ÉQUATEUR : JOURNAL

SOMMAIRE : 

  • La casa de Guápulo

  • Itinéraire

  • Lagune de la Mica

  • Rivière el Pita

  • Réserve de Anteojos

  • Baños

  • Le Chimborazo

  • Parc de récréation de Cajas

  • Départ pour l'Oriente

  • Où il est question de pétrole 

  • Lodge Batalburo

  • Conclusion

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La casa de Guápulo :

Parti le 30 avril à 1h15 du matin de Papeete, le voyage dura beaucoup plus longtemps que prévu en raison d'une escale imprévue à Chiclayo et de l'attente pendant toute la nuit que la brume se lève sur Lima où je devais prendre ma correspondance aérienne. Auparavant, une autre escale sur l'île de Pâques - prévue celle-là - m'a rappelé les bons souvenirs de mon séjour lors de mon premier tour du monde dont je vous ai fait part de quelques photos dans la précédente édition. Vous comprendrez le plaisir que j'ai eu en constatant qu'un chauffeur m'attendait à l'aéroport de Quito pour me conduire vers mon hôtel. Rien de telle pour se remettre de la  fatigue d'un long voyage. Avec deux jours à Quito avant mon départ pour les Galápagos, j'avais juste le temps de faire la connaissance de mon guide, Xavier AMIGO, et finaliser la planification de mon tour en Équateur avec lui.

Je tiens ici à chaleureusement remercier Valérie  B. - amie de l'harmonie Nautique revenant elle-même d'Équateur - qui ma transmis ses coordonnées la veille de mon départ de Genève. Ainsi, pendant les cinq mois précédents cette rencontre et grâce à l'informatique, j'ai pu le contacter, réserver les dates (du 14 au 26 mai) et ébaucher un programme intéressant. Je vous donne ici ses coordonnées afin que d'autres personnes puissent bénéficier de la même chance que moi : e-mail : guapulo@excite.com et site Internet : www.hostal-guápulo.com . Il n'était en effet pas question de m'aventurer seul dans ce pays en ne sachant ni la langue, ni les chemins secrets qui mènent aux Réserves naturelles. Il m'aurait fallu, en plus, acheter tout le matériel de camping et braver un trafic routier parfois dangereux. Aventurier oui, mais ... quand même en vacances !

Une fois de plus, je n'ai pas été déçu. Xavier est un jeune Français originaire de Perpignan et donc parfaitement bilingue. Amoureux de la nature, passionné d'ornithologie et d'herpétologie, pêcheur à la mouche à ses heures, il a déjà sillonné le pays dans tout les sens et surtout il connaît les petits chemins et les personnes clé pour pénétrer dans les Réserves. Avec le recul, je me rend compte qu'il m'aurait été impossible d'organiser un tel tour en si peu de temps par mes propres moyen. Par ailleurs, Xavier mérite d'être connu pour ses qualités humaines et son efficacité sur le terrain. C'était un excellent compagnon de voyage pétri d'humour.

Dans la précédente édition, je vous ai fait part de ma réflexion au sujet du voyage en indépendant. Je rajoute ici ma préférence pour la prise d'un guide pour moi tout seul. Que ce soit à la pêche ou pour d'autres activités (randonnée p. ex. comme ce fut le cas en Alaska avec Eric), j'ai toujours ressenti que le contact était plus profond quand j'étais seul avec un guide et que j'en profitais plus. Par ailleurs, ce dernier peu mieux s'adapter au rythme de son client et répondre à ses désirs, ce qui est très important pour moi. En effet, je peine à crapahuter dans la nature et vis comme stressant la présence d'un groupe qu'il faut suivre. A la pêche comme dans toute observation d'animaux (surtout terrestres), c'est aussi un avantage d'être le moins nombreux possible. C'est ainsi qu'en forêt tropical, j'ai toujours pu admirer plus d'espèce animale en étant seul avec Xavier qu'avec le groupe. Bien sûr que l'on peut mal tomber, mais je dois avouer que jusqu'à maintenant, cela ne m'est jamais arrivé. Alors soit j'ai toujours eu de la chance, soit je sais aussi m'adapter et constitue, après tout, un pas trop mauvais client. Le coût, par contre, peu être un aspect rebutant car le tarif d'un guide n'est pas donné, mais il faut savoir si l'on veut vivre quelque chose d'unique dont on va se souvenir longtemps ou payer quand même cher pour une expérience qui ne nous satisfait pas entièrement. Ce dernier aspect ne concerne pas Xavier dont le tarif équatorien ne rivalisait absolument pas avec les tarifs des guides occidentaux.

Il y a encore un plus avec Xavier car il gère un petit hôtel bon marché avec sa femme équatorienne dans un quartier pentu mais pittoresque de Quito. D'emblée, vous êtes surpris par le caractère unique tant de l'architecture labyrinthique de la bâtisse que de son décor. Pas une chambre ne se ressemble. Sur les murs de la cage d'escalier, des dessins d'oiseaux vous rappellent la passion de votre hôte pendant que des lutins goguenards perchés dans leur alcôve vous guignent dans votre prudente descente d'escalier. Ma chambre était particulièrement garnie puisque ses murs offraient l'habitacle à des angelots rêveurs, des gnomes mutins, des elfes et des sylphes ludiques, le Diable et j'en passe. Toute une mythologie venue de France selon Xavier. Et allez donc dormir la nuit avec tout ça, sans oublier qu'en contre bas, tout le quartier  faisait la fête suite à un baptême; et les fêtes, en Amérique du Sud, cela dure toute la nuit. C'est donc sans surprise qu'à l'aurore de notre départ, je vis des ombres humaines titubantes gravissant à grand peine le raide chemin devant l'hôtel.

                   

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Itinéraire :                                           

Notre itinéraire était simple. Nous avons d'abord visité la lagune de la Mica dans la Réserve de l'Antisana (du nom de la montagne qui la culmine) puis la rivière El Pita avec retour à la Casa de Guàpulo entre chaque excursion. Puis nous avons pris le chemin du sud en suivant l'"Avenue des Volcans". En route, nous avons grimpé la cordillère Royale (chaîne de montagnes à l'est de "l'Avenue des Volcans") jusqu'à la Réserve de Anteojos; puis nous nous sommes arrêtés à Baños avant de contourner le Chimborazo, et finalement atteindre la Réserve de la Cajas. Le chemin du retour était le même qu'à l'aller, mais en ligne droite avec juste un crochet à Baños en espérant pouvoir acheter au Zoo encore une rare plume de condor. Nous avons ensuite pris l'avion de Quito pour Puerto Francisco de Orellana ou Coca sur le bord du fleuve Napo. Avec un bus local, nous avons ensuite suivi les oléoducs transandins jusqu'au rio Tiguino - en bordure d'une Réserve amérindienne -où nous attendait une pirogue qui nous a enfin mené, après des heures de navigation, au lodge Batalburo dans le Parque Nacional Yasuní. Nous sommes restés là, avec un groupe de touristes pendant quatre jours si mes souvenirs sont bons, avant de rentrer à Quito. Le 28 mai, je quittais Quito et arrivais le 29 à Genève.

Cet itinéraire a le mérite de sortir du tracé touristique habituel et de visiter divers écosystèmes en offrant également des possibilités de pêche. Si je n'ai toujours pas visité "la Costa" - les basses plaines côtières - au moins j'aurai fait un saut dans "l'Oriente" - région à l'est de la cordillère Royale.

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Lagune de la Mica :                      

Situé à plus de 4000 mètres, cette première étape constituait un peu un test pour savoir si mon organisme allait supporter une si haute altitude après des mois passé sur la mer. Encore fallait-il s'y rendre car la Réserve de l'Antisana est privée. Heureusement que Xavier est membre d'une société d'ornithologie et qu'un de ses membres connaissait la sœur du propriétaire, elle-même habilitée à donner une autorisation d'entrée. Je précise que Xavier avait fait la demande dans les temps préalablement mais qu'il n'avait reçu aucune réponse. C'est ainsi qu'après quelques appels téléphoniques avec un portable et le passage de deux contrôles routiers, nous avons enfin pu accéder au temple du condor. Cet exemple vous permet de juger de l'utilité d'un guide. Je vous laisse maintenant imaginer ce décor extraordinaire qui justifie amplement de la protection dont il bénéficie. Les photos peuvent vous y aider.

La lagune de la Mica s'étend dans son écrin montagneux recouvert d'une végétation pauvre, le páramo. A cette altitude, il n'y a pas d'arbre. Au loin, l'Antisana laisse apercevoir sa cime enneigée. Dans le ciel, des condors andins noirs tournoient en déployant leur trois mètres d'envergure. Ils profitent des courants ascendant pour monter le plus haut possible à la recherche de charogne que leur odorat aiguisé et leur yeux perçants tentent de déceler. Pour garder dans ce sanctuaire protégé ces volatiles et favoriser leur survie, des bovidés morts sont régulièrement déposé ici.

Question pêche, j'étais perplexe par cette nouvelle expérience et vite essoufflé par l'altitude mais quel plaisir de ressortir mes chers (chères aussi) boîtes à mouche. Nous avons aussi dû payer un permis journalier au garde de la Réserve qui nous confirme qu'il y a bel et bien des truites. Je n'ai jamais pêché la truite à la mouche dans un tel lieu. Aucun gobage ni insecte sur l'eau ne viennent m'aider dans la lecture de l'eau. Par ailleurs, il soufflait un vent violent qui rendait illusoire tout lancer précis. J'ai tenté le coup avec une imitation de sedge et une petite nymphe en potence, puis avec un petit streamer noir. Sans succès ! Plus loin, Xavier pêchait une anse abritée du lac où quelques truites daignaient pointer leur museau. Avons-nous pris du poisson ? Je ne m'en rappelle pas de sorte que si c'est le cas, cela n'a dû être que du menu fretin. Pêche maigre mais quel luxe que de pouvoir pêcher sous le ramage des condors andins et à proximité de grèbes argentés ! 

Transpercés par le vent et transis de froid, nous nous sommes résolus à visiter la Réserve à la recherche de ses précieux occupants. Des ibis à tête noire (Theristicus melonopis) picoraient sur un replat à 30 mètres de la voiture. Impossible de faire une bonne photo. Xavier me disait que l'espèce est rare et que les ornithologues du monde entier viennent ici pour les voir. J'en ai savouré que d'avantage le privilège qui m'était offert de les contempler. Moins craintifs, les caracaras, les sternes des Andes et les canards ruddy se laissaient approcher. Mais déjà, c'était l'heure du retour et nous n'avons pas revu  les condors qui nichent habituellement dans la vallée.

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Rivière el Pita :                                  

Après une bonne nuit à la Casa de Guápulo, nous sommes parti pêcher dans la rivière el Pita, la seule proche de Quito pas trop polluée pour supporter une population de truite. Les chemins qui y mènent ne sont pas indiqués rendant illusoire toute tentative d'y accéder sans l'aide d'un guide. La rivière coule dans une étroite vallée au allure de canyon par endroit. Une végétation dense l'entoure. Progressivement, Xavier m'initie à ses secrets. Il me montre telle orchidée sauvage (le pays en compte 2700 espèces répertoriées), puis un colibri et encore cet oiseau avec ses  jumelles. "La biodiversité de ce petit pays andin est tout à fait incroyable. Sur une superficie de seulement 270 670 km carré, on retrouve quatre fois plus d'espèces animales et végétales qu'en Europe et deux fois plus qu'au Canada et aux États-Unis réunis. Le tiers des espèces d'amphibiens (ou batraciens), le cinquième des espèces d'oiseaux, le sixième des espèces de lépidoptères (papillons) et le septième des espèces de reptiles du monde se trouvent en Équateur." (passage tiré de "Équateur, îles Galápagos", Guide de voyage ULYSSE, 3ème édition 2000) Excusez du peu ! Vous comprendrez que la richesse de l'Équateur est tout simplement là (et non avec l'or et le pétrole !!!) et que mon cher Xavier a un bel avenir devant lui s'il arrive à emmagasiner toute cette connaissance et attirer une clientèle écologique. 

Par contre la pêche révèle tout le drame de ce pays et je pourrai même dire de pratiquement tout les pays en voie de développement. Bien que la rivière soit magnifique avec plusieurs cascades, pourvues de nombreuses caches pour les truites et que son accès soit par endroit franchement difficile, nous n'avons pris que quelques petites truitelles et entre aperçus qu'une ou deux truites de plus de vingt-cinq centimètres. Et oui, la rivière est surpêchée et les poissons tués à des fin gastronomique car les Équatoriens sont en grande majorité pauvres et la pêche comme la chasse pourvoit, en partie, à leur besoin protéinique. J'ai malheureusement fait ce constat dans tout les sites où nous avons pêché, que ce soit à la mouche ou au lancer. Et pourtant, s'il savait qu'une lagune ou une rivière bien gérée et peuplée de belles truites peut leur rapporter 100 US$/jour/pêcheur et qu'un guide peut gagner 500 US$/jour/pêcheur et même d'avantage comme c'est le cas en Argentine (je parle d'expériences personnelles), je suis sûre que des Réserves, en tout cas privées, feraient de gros efforts. Car les pêcheurs voyagent énormément. Actuellement, c'est la Mongolie qui a la côte et bientôt ce sera la Sibérie et le Kamchatka. Raison pour laquelle je parierai cher que cela ne dérangerait nullement les pêcheurs d'aller en Équateur pêcher dans un incroyable décor si les possibilités étaient réellement intéressantes.

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Réserve de Anteojos :                   

Enfin l'heure du grand départ a sonné. Nous avons quitté Quito dès potron-minet car la route est longue et il nous faudra encore monter la tente sur place. La panaméricaine était notre artère principale de circulation jusqu'à Cuenca et suit l'"Avenue des Volcans". De fait, pour autant que le ciel soit dégagé, vous avez constamment le spectacle de ces austères sommets enneigés à l'humeur parfois explosive. Vous vous imaginé une autoroute alpine bien entretenue, je suppose. Et bien vous avez tort car si cette axe routier est vitale pour le pays (la Sierra regroupe 60% de la population du pays), il prend l'aspect d'une simple route secondaire de chez nous sur la majeur partie de son tracé entre la Capitale et Cuenca. Par endroit, il y a tout simplement de profonds trous dans la chaussée signalés par une grosse pierre mise devant eux. Si par manque de chance vous ne pouvez contourner cette obstacle car des voitures viennent en face et si vous ne pouvez pas vous arrêter avant, vous êtes bon pour la collision finale ou le ravin à votre droite. A un autre endroit, nous avons dû prendre un détour caillouteux serpentant dans la montagne sur des kilomètres. Gare à vos poumons si vous êtes coincé derrière un camion, le dépassement est souvent impossible. Faut-il rajouter que pratiquement tout les véhicules fonctionnent au diesel ? Que les camions sont parfois surchargé de personnes dont la vie est en péril du moindre freinage brusque ? Que la signalisation routière est pratiquement nul et que l'on peut se perdre sur la panaméricaine elle-même ? Pollution mis à part, je l'ai trouvé pittoresque cette route mais comme j'ai été content d'avoir un chauffeur avec moi. Je déconseille vivement tout amateur de cyclisme de tenter un tour de l'Équateur et même, paraphrasant les conseilles d'Ulysse (guide de voyage), je vous déconseille tout simplement de tenter votre chance sur ces routes par vos propres moyens.

Arrivé dans la ville de Latacunga (si mon souvenir est bon), Xavier a bifurqué à gauche pour aboutir après moult détours sur une petite route pavée (en tout cas par endroit) évidemment dépourvu de l'ombre d'un panneau d'orientation. De pavés en cailloux, le chemin nous a finalement mené dans la campagne où les champs cultivés formaient une mosaïque de couleurs vertes variées. Par endroit, de petite maison de chaume nous rappelle que nous sommes bien en Amérique du Sud. A défaut de lutin, ce sont maintenant de petites statues animalières de brique qui protège le propriétaire de cette demeure.

                     

Plus haut, les champs cultivés ont fait place à l'élevage bovins, et les pavés aux cailloux et à la terre battue. Et plus haut encore, il n'y a plus personne, même pas une cabine téléphonique. Gare à la panne ici. Nous avons encore roulé une éternité jusqu'à la lisière de la brume, à près de 4000 mètres pour changer, et dans ce paysage mystérieux à souhait assez similaire de la Réserve d'Antisana, dans un contour du chemin, les premières lagunes de la Réserve nous sont apparues. Pour tout "aire de camping", un replat en bordure de route à fait l'affaire. Il restait encore de la paille par terre du précédent camping de Xavier et il a fallu encore en rajouter car le terrain était boueux à souhait. Mais oui, c'est là que pendant deux nuits nous avons camper, dormi, cuisiné, vécu comme les photos l'attestent (cf. aussi la page "photos").

          

J'en connaît plus d'un qui aurait crié grâce et fait demi tour, mais pas Xavier. Là où il m'a réellement épaté, c'est quand il a réussi a faire un feu sous une petite pluie avec du combustible mouillé dans une atmosphère raréfiée en oxygène. Savez-vous comment  il s'y est pris ? Il a allumé une bougie sous le petit édifice de bois mouillé et ... après une bonne heure de patience, de prières, de salamalecs et au bord de l'essoufflement, nous avons obtenu les quelques braises qui nous ont permis de cuire nos truites, la soupe, les patates, la sauce, et j'en passe. Oui, parce que Xavier est aussi un fin cuisinier. On est pas Français pour rien, quand même ! Moi, cette expérience m'a chaviré et c'est encore tout ébaubi que j'ai pris une photo du foyer pour en garder un souvenir plus vivant encore.

Si l'âtre fut chaud, les nuits étaient fraîches à souhait. Xavier m'avait prêté un de ses sac de couchage et je l'avais rapidement essayé à l'hôtel. Cela allait bien dans la chambre chauffée mais là ... pas moyen de mettre mes bras dans le sac. De plus, j'ai horreur d'être coincé dans un cocon comme une momie et plus que tout, il faut que mes pieds puissent librement gigoter à l'air. Ce fut une grelottante expérience qui m'a rappelé celle d'Alaska en 1995. J'avais emprunté le sac de couchage de mon beau-père garanti pour supporté des températures inférieures à zéro degré. Oui, mais cela est valable si on arrive à s'enfiler dans le sac ce qui n'était pas mon cas. Pendant les deux camps successifs que j'ai enduré pendant un mois, il m'a fallu dormir tout habillé et rajouter ma  veste comme couverture. Il y a probablement deux choses qui m'empêchent de dormir : le froid et le ronflement. Je vous rassure tout de suite, après de patientes  et longues observations, je peux vous affirmer que Xavier ne ronfle en principe pas trop. Il n'y a probablement pas d'émissions sonores humaines plus abjectes que le ronflement car il trahi l'insouciant et bienheureux sommeil de votre confrère pendant que vous ruminez votre insomnie. Depuis mes camps en Alaska, et peut-être même après mes séjours avec mon père - un ronfleur impénitent - je suis bien inspiré de prendre des boules en mousse qui épousent efficacement mes conduits auditifs externes.

Et la pêche dans tout cela ? Nous avons finalement pu attraper quelques truites de tailles décentes, Xavier étant le plus doué en pêchant à la cuillère. Il y a bien eu quelques gobages par ci par là et des truites prises, mais que de petites tailles que l'altitude des lacs n'expliquent pas. Xavier à fait le tour du lac en pêchant et j'ai même essayé de pêcher à la souris (cf. Nouvelle-Zélande 2, île du nord) mais aucune belle truite ne s'est présentée de l'aube à la nuit. Précisément, une nuit que nous pêchions, nous avons été tétanisé par un terrible et curieux rugissement provenant de l'autre côté du lac. Le brame d'un cervidé ? Non. Par la suite nous avons appris en discutant avec les employés du zoo de Baños qu'il devait  s'agir du rugissement d'un ours à lunette car il y en a dans cette Réserve même s'ils sont difficilement observables. Dans l'immédiat, nous n'étions pas tranquille et craignons une mauvaise rencontre dans cette nuit noire. Je n'avais pas mon couteau non plus ! Pressé de rentrer, j'ai réussi à m'enfoncer jusqu'à la taille dans la tourbe. Le lac est, en effet, alimenté par des eaux de ruissellement qui rendent certains endroits  en bordure de lac plus que hasardeux. De jour il est facile de sauter sur des carrés de végétations fiables, mais la nuit ... Et bien, j'ai failli y laisser mes waders et c'est boueux à souhait que j'ai finalement pu ramper hors de ce pétrin brunâtre. Vous pourrez observer les traces de cette aventure sur certaines photos d'Alaska 1 (un peu de patience, ça vient).

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Baños :

De retour sur la panaméricaine, nous avons continué notre route jusqu'à Ambato, d'où nous avons pris la route pour Baños. Nous nous sommes arrêtés à Salasaca pour admirer le travail artisanal de textiles aux motifs précolombiens. Je me suis fait ainsi une idée des prix et des possibilités d'achats pour ma famille au retour. Le marché m'a aussi rappelé toute une série de souvenirs datant de mon premier voyage : Otavalo, Cuenca, les villages colorés du Pérou dont vous pourrez admirez les photos au bas de la page "photos".

Baños, elle-même, me rappelle d'heureux souvenirs. C'est vrai que j'étais bien dans cette ville qui doit son nom aux bains thermaux. Elle se situe à mi-parcours entre l'Oriente et la Sierra et réuni dans son giron les deux influences. A 1900 mètres d'altitude, elle est aussi dominée par le volcan Tungurahua. Ce dernier s'est soudainement réveillé en octobre 1999 forçant l'évacuation de la population. Je ne voudrais pas être pessimiste, mais ce petit bijou pourrait vivre le même sort que Pompeï ou Herculanum en Italie. Mes amis Nauticiens n'avaient d'ailleurs pas pu visiter la ville l'année précédente mais pour l'instant j'étais bien trop heureux de jouir d'une bonne douche et d'un lit douillettement chaud à "la petite auberge".

Le jour suivant, nous avons visité le Zoo de San Martin. Je ne suis pas particulièrement un fan de ces lieux car je préfère mille fois observer les animaux dans la nature, mais je reconnais que ce n'est pas désagréable de pouvoir les voir de prêt non plus. Ce sont surtout les volatiles qui m'attiraient car leur plumage est magnifique et la qualité de leurs plumes suscite un réel intérêt pour le monteur de mouche que je suis à mes heures perdues. J'ai ainsi pu acheter pour 1 US$/pièce des plumes de condors andins et pour trois fois rien des plumes d'aras mais, shhht,  il ne faut pas le dire trop fort. Que les âmes sensibles se calment car ces plumes sont simplement ramassées quotidiennement par les employés du zoo qui connaissent bien l'intérêt que porte certaines personnes pour ces rejets. En attendant, essayez donc de trouver des plumes de condors andins ou d'aigle en Europe ! Si vous savez, n'hésitez pas à m'écrire (mon e-mail se trouve sous "contact" à la page de bienvenue).

              

Pour terminer, j'ai revisité l'église dominicaine dont les murs sont couverts de tableaux qui relatent les nombreux miracles attribués à la Virgen del Agua Santa, en l'honneur de qui l'église fut érigée. Je vous laisse en contempler un exemplaire ci dessous.

                 

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Le Chimborazo :

Une longue route nous attendait ce jour là car nous souhaitions atteindre la Réserve de Cajas le même soir en faisant le tour du Chimborazo dans l'espoir d'apercevoir son sommet. Or, ce matin là, les nuages planaient bas dans la vallée. Cependant, au fur et à mesure que l'on s'en rapprochait, les nuages se sont éclairci pour finalement laisser transparaître le majestueux volcan Chimborazo. Haut de 6300 mètres, c'est le sommet le plus élevé des Andes équatoriennes. Comme le rappelle une plaque commémorative au premier refuge, Alexandre von Humboldt échoua à plusieurs reprises son ascension mais il estimait avoir atteint une altitude de 5880 mètres et pensait de ce fait avoir atteint la plus haute altitude en son temps (cf. aussi les "infos divers" à son sujet). 

                   

Bien d'autres andinistes l'ont succédé et hélas de nombreuses stèles funéraires nous rappellent les noms de ceux qui y ont laissé leur vie. Pour ma part, je suis déjà assez content d'avoir atteint le premier refuge à 4800 mètres sans problème, presque la hauteur du Mont Blanc en Europe et sans conteste la plus haute altitude à laquelle je suis allé, mais n'essayez pas de me tirer plus haut car je pourrai devenir récalcitrant.  Comme c'est tout de même assez rare de le voir si clairement , je vous propose de vous arrêter également à la page "photos" où j'ai placé d'autre photos.

En redescendant dans la vallée, d'autres surprises nous attendaient comme les vigognes (cf.  "infos divers"), de la famille des camélidés comme les lamas, à la différence près qu'il est plus petit et non domestiqué. Probablement qu'ils jouissent de la protection qu'offre la Réserve Faunistique du Chimborazo sur les flanc du volcan. Plus bas, nous retrouvons son cousin le lama puis nous avons traversé des villages typiquement andins et même pu profiter des explications sur la fabrication des maisons. Entre parenthèse, vous remarquerez la différence de taille entre les Amérindiens et un Européen bien nourri sur la photo de droite.

De retour sur la panaméricaine, le temps nous pressait un peu de sorte que nous n'avons fait qu'une seule halte touristique à La Balbanera. Érigée en 1534, cette chapelle est la plus ancienne du pays. Elle est située à quelques kilomètres de Cajabamba, petit village construit sur les ruines de l'ancienne capitale Riobamba anéantie lors du puissant tremblement de terre de 1794.

              

La chemin fut encore long jusqu'à la Réserve de Cajas mais Xavier a conduit avec dextérité le 4X4 de location sur la sinueuse et pleine d'obstacles panaméricaine comme je l'ai mentionné plus haut. Un vrai "camel trophy" par moment. Ne conduisant pas, j'avais tout loisir d'admirer le paysage et d'apprécier les sketches de Pierre Desproges. Nous sommes finalement arrivé tard dans la nuit au refuge de Cajas et Xavier, qui connaît le garde, l'a sorti du lit pour qu'il nous ouvre le portail. Cette fois nous avions au moins un toit et un lit, mais le sac de couchage ...

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Parc de récréation de Cajas :  vue depuis le refuge (lagune Toréador)

Et nous revoilà à 3850 mètres pour quelques jours dans un décor à vous couper le souffle. Le parc, fondé en 1977, s'étend sur une superficie de 28 808 hectares et compte plus de 260 lacs formés par le passage d'anciens glaciers. Cet écosystème tout à fait extraordinaire recèle une richesse biologique certaine et présente un grand intérêt pour les amateurs d'ornithologie. "De nombreuses truites grouillent dans les eaux de ces lacs poissonneux, tandis que de nombreuses couvées de canards y batifolent allégrement. Le toucan et le condor ne sont que quelques -unes des espèces de volatiles qu'on trouve habituellement. Quant à la faune terrestre, elle se compose de renards , de gazelles et d'ours à lunettes." (guide de voyage Ulysse cité précédemment). Dans le domaine du páramo, la flore est tout aussi variée et intéressante avec ses nombreuses espèces d'orchidées mais aussi des sortes d'ananas sauvage de la famille des broméliacées qu'affectionne particulièrement l'ours à lunettes (ce qui explique ses déjections vertes). Les amateurs d'archéologie peuvent aussi partir à la recherche de ruines incas mais attention car on se perd facilement ici et "on déplore même quelques cas d'accidents mortels ..." (Ulysse).

De notre côté, nous sommes partis pêcher  à des endroits différents pendant les deux jours entier où nous étions là. La promenade avec Xavier était tout aussi passionnante que l'action de pêche car chemin faisant, nous avons découvert des traces de renard ou, semble-t-il, même de loup (selon le garde qui a attentivement regarder la photo) et il m'a expliqué un tas de choses sur la flore et la faune du lieu. Il était particulièrement intéressé par les très pittoresques forêt de Polylepsis ou niche une quantité invraisemblable d'oiseaux. C'est ainsi que nous avons observé à la jumelle diverses espèces de pics (dont Piculus rivolii), le pigeon ruddy (Columba subvinacea berlepschi)  mais manqué le fameux toucan à thorax gris des montagnes (Theristicus melonopis) que nous avons cependant entendu. Vous savez, c'est simple, quand Xavier identifie un oiseau, il vous sort son nom en latin et en anglais qu'il traduit en français. Si un doute subsiste, il a toujours deux imposants volumes d'ornithologie dans son sac au dos ... à côté du chocolat qu'il utilise habilement pour me faire grimper une pente raide.

          

La pêche fut un peu meilleure ici et nous avons tout de même pris quelques truites arc-en-ciel, les plus belles (~25 cm) à la cuillère et les plus petites à la mouche, mais rien de transcendantale. Sur le chemin du retour, Xavier a discuté avec un autre pêcheur qui revenait d'une lagune plus éloignée encore où il y aurait (admirez le conditionnel) des truites plus grosses. En attendant, il nous a pas montré les siennes et il est vrai que les pêcheurs ont toujours tendance à exagérer la taille de leur prise, sauf en Nouvelle-Zélande où elles sont pesées et mesurées par les guides.

                 

A la manière locale, nous avons tué ces truites pour manger leur chair rosée le soir même. Ce faisant, je reconnais que nous ne nous sommes pas distingués car il aurait été plus judicieux de les remettre à l'eau. Je tremble à l'idée que cette surpêche ici se reproduise également chez nous. Ne pourrait-on pas créer des "truitodromes"* où les "viandards"* viendraient pêcher à loisir des truites de pisciculture pour une somme modique et laisser ces Réserves Naturelles pour le plaisir des yeux ? D'ici là le chemin semble long si je considère le manque évident de respect pour la nature que témoignent de nombreux détritus laissés de ci et de là. "Les Équatoriens n'ont pas reçu d'éducation dans ce sens" m'a dit Xavier. Et bien il va falloir changer, et vite !

"truitodrome" : le mot est de mon invention et signifie un lieu dans un espace naturel où sont déversés à intervalle régulier des truites portion provenant de pisciculture. Ainsi, moyennant un permis quotidien, le pêcheur est pratiquement garanti d'attraper des truites tout en gardant une action de pêche. De tels lieux existent en grands nombres sur des tronçons de quelques kilomètres de rivières à Aoste par exemple avec des parcours réservés à la pêche à la mouche en avale. L'avantage de ces lieux est de détourner les viandards des rivières plus naturelles, si cela existe encore chez nous...

"viandard" : du mot viande, terme qu'utilise les pêcheurs pour parler de quelqu'un qui tue tout les poissons qu'il attrape.

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Départ pour l'Oriente :                           

Après toute ces journées d'effort mais riche en souvenirs inoubliables, figurez-vous que j'étais content de rentrer à Quito, par le même chemin sinueux, risqué, imprévisible et mal indiqué que représente la panaméricaine. Il est vrai que la tarte à la crème, le mille-feuilles de mon temps avec Xavier était encore à venir. Nous avions réservé quelques nuits au lodge Batalburo en pleine forêt amazonienne que Xavier connaît comme sa poche pour y être souvent allé. Carlos et Claudio, les deux autres guides du lodge, sont également ses amis ce qui nous donnent une grande marge de liberté pour organiser notre temps sur place. Surtout, Xavier m'a rassuré que ce lodge n'était pas un attrape-touriste comme on en trouve des dizaines le long du fleuve Napo.

C'est que j'ai une grosse nostalgie de ma première aventure  amazonienne. C'était en août 1991 et je me rappelle m'être laisser entraîner en Amazonie dès la sortie de l'aéroport d'Iquitos au Pérou. Préalablement, j'avais conclu un tour de dix jours dans la forêt pour découvrir la nature, pêcher et chasser seul avec un guide. Je me rappelle avoir pêché des raies, des siluridés et des piranhas, suivi le guide chasser singes et tatous de jour et des "picuros" (sorte de petit rongeur) de nuit, vu des caïmans, bu aux lianes, dormi dans un hamac sous la canopée. Je me rappelle encore d'une fulgurante décharge électrique que je reçu alors que je voulais décrocher une gymnote (anguille électrique) avec ma pince. Ma chute dans la pirogue qui s'ensuivi failli nous faire tous chavirer. J'en suis encore tout remué. Le picuros était bien meilleur que le tatou mais le singe n'était pas mauvais non plus. Oui, repartons vite là-bas et venez vous  perde dans ce lacis vert.

A l'aéroport de Quito, d'autres touristes attendaient déjà pour prendre le même petit avion pour Puerto Francisco de Orellana ou plus simplement Coca sur le bord du fleuve Napo. Les formalités douanières terminées (il y a un contrôle très stricte des rentrées et sortie de l'Oriente), il fallu encore partir à la recherche d'un Suisse qui n'avait pas pris le même vol que nous. Et bien, nous l'avons finalement trouvé et je dois dire que cela aurait été dommage de le manquer car il nous a tous fait bien rire pendant le séjour. Si, ça existe ! En attendant, une longue route nous attendait le long d'oléoducs et d'une forêt rabougrie par son exploitation. Pour varier le paysage, nous traversions des petits villages que la manne pétrolière avait probablement amené ici. Les habitants regardaient passer notre bus comme si c'était l'attraction de la semaine. Plus loin, nous découvrons des zones déforestation au profit  de l'extraction de pétrole et de la création de bac de rétention nauséabond. Après trois heures de route chaotique (ouf), nous sommes enfin arrivé au point d'embarquement pour une dernière tirée sur la rivière Tiguino. 

C'est véritablement là que l'aventure a commencé. Un chef indien  et sa famille de retour d'un meeting sont montés dans la même pirogue que nous, comme passager et non animateur de touristes. Je vous prie de croire qu'avec son fusil, on avait pas trop envie de rigoler avec lui, même s'il s'est montré tout à fait courtois mais distant. C'est que les Amérindiens sont ici sur pied de guerre avec les sociétés pétrolières qui exploitent leur sol.  Ce n'est pas à moi de juger de la légalité de l'exploitation mais au retour, nous avons eu droit à une authentique scène de ce conflit.

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Où il est question de pétrole :           

Alors que nous attendions notre bus dans un abri, un autre chef Amérindien et un ancien sont venus nous rejoindre pour nous vendre des objets artisanaux. Comme nous n'avions rien acheté, le chef vexé nous a prié poliment mais fermement de sortir de l'abri pour attendre sur le bord de la route. Carlos et Xavier ont bien essayé de discuter avec lui, car les touristes paient une taxe pour rentrer sur leur territoire et c'est tout à fait accepté par eux, mais ce fut sans succès. Vint ensuite un camion avec des travailleurs d'une compagnie pétrolière. Le chef ne les laissa pas passer et comme le chauffeur voulu passer outre, il brandit son fusil dans sa direction. J'aime mieux vous dire qu'on ne rigolait pas. Alors, le chauffeur n'a pas eu d'autre alternative que de reculer dangereusement sur l'étroit pont puis faire demi tour. Le chef Amérindien plaça ensuite des branches sur le pont pour bien signifier que les travailleurs n'étaient pas les bien venus. Il revint cependant peu après, précédé par une voiture flambant neuve rouge conduite par le fils dudit chef ! Totalement acculturé de sa culture d'origine et tristement occidentalisé à souhait, Xavier qui le connaît m'expliqua qu'il avait participé au négociation et bénéficiait maintenant des largesses de compagnies pétrolières. Après discussion avec son père, le camion finit par passer. Xavier m'expliqua que les Amérindiens font ainsi de la résistance et manifestent surtout leur mauvaise humour même si sur papier tout est en règle et qu'ils reçoivent des contre-parties financières.

Dans la réalité, je crois que rien n'est très clair. En effet, mon petit mais très critique guide Ulysse déjà cité mentionne à la page 278 : "en raison de sa grande richesse biologique, cette région (Parc de Yasuni où la scène s'est jouée) fait partie des  "réserves de la biosphère" telles que définies par le programme de l'UNESCO sur l'homme et la biosphère. Ironiquement, la région qui abrite la faune la plus intéressante du parc est d'accès interdit et la chasse gardée des compagnies pétrolières..." fin de citation !

J'ai surtout l'impression que ce que je venais d'observer était la réplique exacte d'une scène répétée des milliers et des milliers de fois lors de la conquête de terres déjà habitées et des colonisations par les Occidentaux. Protéger par la forêt tropicale, ces Amérindiens n'ont que la chance de subir le sort de leurs frères aujourd'hui et non au siècle passé, sinon , cela aurait été le génocide que l'on connaît. J'aurai largement l'occasion de revenir sur cette réflexion dans l'édition du Montana. En attendant, je vous propose de lire à la page "infos divers" les paragraphes traitant du pétrole car j'y ai appris une foule de choses.

Que faut-il penser de ce fameux pétrole Équatorien ? De nouveau, je vous propose une lecture du guide Ulysse p.36. "Durant tout le XXème siècle, l'agriculture était au cœur de l'économie du pays. La découverte de l'or noir en 1967 a changé les données pendant une dizaine d'années au détriment de plusieurs autres secteurs d'activité, notamment la production agricole.

Au cours des années quatre-vingt, la diminution des exportations de pétrole sur le marché international, combinée au tremblement de terre de 1987, eut un effet dévastateur sur l'économie du pays. Le séisme détruisit en effet plusieurs oléoducs, obligeant le gouvernement à suspendre ses exportations d'or noir durant presque un an. De plus, la découverte de pétrole en Amazonie a bouleversé le mode de vie des populations amérindiennes vivant dans l'Oriente, et l'empiétement du monde moderne menace désormais l'existence de ces peuplades.

Avec ses fabuleuses richesses pétrolières, l'Équateur croit pouvoir générer la prospérité, éponger sa dette et stabiliser le pays. On estime toutefois que les réserves pétrolières seront sans doute épuisées vers 2010, enfonçant potentiellement du même coup le pays dans un naufrage économique" fin de citation. 

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Lodge Batalburo :                                 

Laissant loin derrière les conflits sociaux et les effluves nauséabonds du pétrole, nous nous sommes enfoncés trois heures durant dans la forêt amazonienne. Au passage, nous avons surpris des tortues d'eau (podocnémis unifilis), effrayé des aras multicolores et des faucons et été accueillis par un vol de chauve-souris à long nez lors de notre arrivée tardive (re-ouf!) au lodge Batalburo. Nestor aussi était là. Ce bruyant et incontournable ara a été recueilli par les employés du lodge alors qu'il était blessé. Il a gardé son caractère sauvage, même s'il se laisse caressé selon ses états d'âmes. Nous avons eu droit à un verre de bienvenue puis mangé un excellent repas mais auparavant il a fallu nourrir Freddy, le caïman à lunette de la lagune devant le lodge.

                    

Tout cela est bien joli, mais j'aspirai à une expérience beaucoup plus authentique. Le jour suivant, nous nous sommes tout rendu a un observatoire perché à quarante mètres de haut sous la canopée d'un arbre gigantesque. Loin de toute habitation, l'endroit était idéale pour observer les oiseaux comme le ara scarlet, des oiseaux nones et des toucans. Au retour, nous avons surpris une bande de singes écureuils (Saimiri sciureus). Nous y sommes retournés le dernier soir et cette fois-ci nous avons eu la visite d'un colibri (Thalurania furcata) et admiré un envol d'aras multicolores au soleil couchant de toute beauté.

L'après-midi, je me suis enfin retrouvé seul avec Xavier et il m'a donné une leçon d'ornithologie que je ne suis pas prêt d'oublier. Vous vous rappeler qu'il a toujours avec lui ses deux épais volumes d'ornithologie ? Là, il avait en plus un petit magnétophone. Tout en se promenant, il repassait inlassablement le chant pré-enregistré d'une espèce susceptible d'habiter le sous-bois jusqu'à ce qu'il reconnaisse le pépiement de réponse de ladite espèce. Alors nous nous postions sans bouger à un endroit pendant que l'oiseau, intrigué par l'intrus empiétant dans son territoire, s'approchait tout près de nous. C'est avec ce stratagème d'ornithologue que j'ai pu observer des manakins couronnés blanc (Pipra pipra) et l'espèce homologue au chant différent : le manakin couronné bleu (Pipra coronata). Savez-vous maintenant quel est le rêve d'un ornithologue ? C'est de voir un lek de manakins. Il s'agit d'une danse nuptiale où le mâle fait des loopings arrière et d'autre acrobaties aériennes dans le but d'attirer la femelle. Tout se remue ménage, à petite échelle puisque l'oiseau n'est pas plus gros qu'un moineau, est paraît-il des plus spectaculaires, alors je vous laisse à votre imagination pendant qu'on repart à la chasse aux sensations.

Justement, Xavier vient d'apercevoir un petit anoure (ordre d'amphibiens comprenant les crapauds et les grenouilles) et je le vois qu'il lui saute après jusque dans le ruisseau en contre-bas ...  il n'est pourtant pas néo-zélandais que je sache (cf. Nouvelle-Zélande 1, île du sud). Après l'avoir ramassé délicatement, il le met dans un sac plastic aéré mais fermé pour le ramener au lodge. Là, grâce à des articles scientifiques que lui ont photocopié des herpétologistes professionnels, il essaie de déterminer l'espèce avant de le relâcher dans la nature. Comme plusieurs espèces n'ont pas encore été répertoriées, il n'est pas impossible que dans le future l'on retrouve au coin de la page 1264 d'un textbook scientifique d'herpétologie le nom du "récemment-découvert-mais-déjà-en-voie-de-disparition" : Leptodactylus amigosis.

Pas besoin d'aller bien loin pour s'ébahir cependant puisqu'en face du lodge jouaient des titis rouge à front blanc (callicebus cupreus) et nichaient des pénélopes des andes. Ces oiseaux seraient une ancienne espèce puisqu'ils utilisent un de leur doigt griffu pour grimper aux arbres et que d'autre part, ils font des nids très primitifs.

Lors d'une autre randonnée, avec Claudio en plus, nous avons eu la chance d'apercevoir, et même de les contempler un bon moment, des singes laineux (lagothrix lagtricha). Nous étions sur le chemin de ces gros singes qui fort mécontents de notre présence poussaient de grands cris. Un mâle s'est même pris la peine de tenter de nous uriner dessus et nous lançait de grandes branches. Cette attitude était tout à fait comparable à celle que j'ai vécu dix ans plus tôt dans le Parc National Bohoroc tout au nord de Sumatra (Indonésie) où un grand orang-outang mâle exerçait sa puissante musculature à casser des branches de plus de dix cm de diamètre (mesuré) pour nous les jeter. C'était absolument impressionnant. Plus loin, Xavier faillit faire pipi sur une vipère fer de lance, un des rares serpent venimeux de la forêt amazonienne qu'il vaut mieux éviter. Il faut dire qu'il a un don pour trouver les animaux les plus invisibles par leur mimétisme, comme les phasmes par exemple (cf. "infos divers" et "curiosités"), et saisir les plus insaisissables comme les serpents, les anoures ou les caïmans. Les autres guides n'en faisaient pas tant et quand je montrais les photos prises au retour de randonnée aux autres touristes, ils reconnaissaient ne pas en avoir vu autant. Il faut dire qu'un troupeau de dix humains à de quoi mettre en fuite le moindre lézard.

La liste de tout ce que j'ai vu serait trop longue à énuméré ici. Je mentionne seulement pour mon propre souvenir une randonnée dans une lagune éloignée où nous avons vu des cormorans mais manqué l'anaconda. Au retour, Xavier dénicha sur la berge un gros crapaud (Leptodactylus pentadactylus) et saisi habilement un caïman blanc à la main.

                 

C'est cependant une randonnée nocturne qui fut la plus productive en rencontres. Arachnophobe s'abstenir car des petits yeux orangés sous l'éclairage des  torches vous guettent de partout sous le couvert végétal. Soudain, un long serpent non venimeux se faufila juste derrière mon dos qui justifia un terrible cri de ma collègue qui me suivait vaillamment. Xavier se jeta sur elle (l'opistoglyphe pas la femme) et la saisi fermement :l'inoffensive Clélia clélia venait de faire des siennes probablement tout aussi effrayée que nous. Puis ce fut le tour de Dipsas pavonina, un fin serpent rouge, de se faire analyser pendant que plus loin, les cliquetis vocaux trahissaient la présence d'un anoure, en l'occurence : Eleuterodactylus unistrigatus de la famille des leptodactylidae. Cela fait beaucoup de latin d'un coup mais c'est dans cette atmosphère que j'ai vécu ces quelques jours. Et pourtant, le parcoure scolaire de Xavier ne le prédisposait pas à tout ce verbiage mais ce n'est pas la première fois que je constate qu'un changement de milieu peu favoriser la découverte de nouvelle passion et un épanouissement personnel. Allez, juste un dernier petit quiz pas banal :

             

Vous l'avez vu celui-là ? Il y a peu de chance que vous le trouviez au coin de votre rue. C'est le crapaud vache (Ceratophrys cornuta), tout simplement.

Nous avons aussi fait un peu de pêche et ce fut l'occasion pour notre Suisse (Stéphane ?)de se distinguer en perdant dans la rivière l'unique poisson chat pêché par une autre participante. Il a pris peur lors du dernier spasme du poisson qu'il croyait encore vivant et l'a lâché dans l'eau. Non, ce n'était pas la saison de la pêche et ce ne fut pas l'expérience la plus intéressante de ce séjour.

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Conclusion :                                      

Je tire un bilan contrasté mais très positif de ce dernier tour avant mon retour. En effet, ayant déjà parcouru les grandes villes du pays, j'ai pu cette fois découvrir de splendides écosystèmes andins et amazonienniens. Pour cela, j'ai eu la chance d'avoir un guide répondant parfaitement à mes souhaits, voir plus puisque Xavier m'a intéressé à l'ornithologie et de l'herpétologie. Nul doute que sans lui je serais passé complètement à côté de ses sujets et manqué de voir les vraies richesses du pays.

La pêche fut par contre franchement médiocre mais révélatrice de la fragilité de ces écosystèmes.  L'invraisemblable pollution dont j'ai été témoin, même dans les Réserves naturelles montrent bien la place que la nature a dans le cœur des Équatoriens. Elle est pourtant belle leur nature et d'une incroyable biodiversité. Mais l'Équateur a du pétrole, c'est vraiment pas de bol, car pour son extraction, que de forêts pillées et saccagées. Tout cela pour quoi ? Pour porter atteinte à la dignité des Amérindiens de ces forêts?, les acculturés ?, fragilisé le tissu social du pays ?, augmenter l'écart entre les riches et les pauvres ? Si vous souhaitez apprécier ce coin de paradis, je ne peux que vous conseiller de vous dépêcher.

Comme c'est la tradition chez nous, j'ai été accueilli à mon retour le 29 mai par ma famille, du champagne et du saumon fumé mais hélas sans notre chien Tarzan décédé il y a quelques années déjà. Par contre, vous avez été nombreux à m'inviter et je vous remercie encore de toute la chaleur et de l'intérêt que vous m'avez alors témoigné.

  Retour des USA en 1987   Retour de mon 1er tour du monde en 1991

 

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Cotopaxi

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Lagune Mica

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.Rivière el Pita

 

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..Réserve de Anteojos

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..B a ñ o s

 

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.Chimborazo

 

 

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.Parc de Cajas

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Départ pour l'Oriente

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Lodge Batalburo

10 années d'écart

  

l'observatoire

colibri

phasme

singe laineux

tir à la sarbacane 

le Suisse en action

Clélia clélia

Dipsas pavonina

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