UNE
PASSION
Qu’est-ce que
la pêche signifie pour vous ? Prendre du poisson ?
Pour moi cela représente une passion que je souhaite vous présenter
ici.
Il existe plusieurs
types de pêcheur : le professionnel qui pêche pour gagner sa vie,
le rêveur qui cherche à s’évader du train-train quotidien, le
« viandar » qui tue tout ce qu’il sort de l’eau, le mélancolique,
le bucolique, le pêcheur de compagnie,
… et le passionné qui passe beaucoup plus de temps au bord de
l’eau qu’en famille, dépense principalement son argent à la pêche
et est un voyageur impénitent. Cela dit, je me suis souvent demandé
qu’elle était la motivation profonde de ce passe-temps.
En ce qui me
concerne, je pense que la pêche est avant tout un prétexte pour
me retrouver dans mon élément : au bord de l’eau. J’y trouve
mon compte entre rêve d’aventures et de surprises
et d’un certain confort physique et psychologique en
l’absence de stresse. Plus de téléphone intempestif, de dossiers
urgents, de difficultés professionnelles, de soucis familiaux, … il y
a juste moi et la rivière avec sa sérénité, ses secrets, sa
beauté, ses truites. Elle coule là depuis des millénaires et s’est
fait son lit en harmonie avec la montagne lui donnant tout son caractère.
Elle se moque bien de la
cupidité des hommes qui ont essayé de la dresser et d’en tirer
profit. Quand nous aurons disparu, elle aura
raison de nos barrages, de nos micro-centrales et autres gadgets.
Ce n’est qu’une question de temps et le temps lui appartient.
En attendant,
j’apprécie son hospitalité quand je mets les pieds dans l’eau et
j’essaie de la respecter le plus possible pour la retrouver aussi
belle la fois prochaine.
J’affectionne
particulièrement la pêche de la truite à la mouche. Peut-être parce
que c’est la technique de
pêche qui me rapproche le plus de l’alimentation naturelle de la
truite et demande une connaissance approfondie de l’entomologie
de la rivière mais aussi parce qu’elle est variée et que je
trouve beaucoup de grâce et de dextérité à manier la
soie pour poser délicatement la mouche devant une truite attablée. Les
mouches, en elles-même, sont de petites œuvres d’art composées
avec les plus belles plumes et poils variés qui existent sur terre et
leur montage constitue déjà en soi une passion et une manière de
laisser vagabonder ma pensée pendant les longues soirées d’hiver. La
truite aussi est un magnifique poisson avec sa robe tachetée
(j’ai mes préférences), son humeur changeante mais toujours sauvage,
farouche et combative.
Pour les plus
passionnés, pêcher devient presque un art de vivre, mais là,
cela devient trop sérieux alors que la pêche de loisir doit rester un
passe-temps de détente que je trouve même divertissant et drôle.
Je précise
d’emblée que mis à part une truite, une anguille et un « kingfish »
(Seriola lalandi), tous les poissons ont été délicatement
remis vivant dans leur élément.
LES ÉTAPES
DE LA PÊCHE A
LA MOUCHE
Mais comment donc
se déroule une journée de pêche ? En fait, il existe différents
temps à la pêche : période d’ouverture et de fermeture de la pêche,
la veille d’un voyage ou d’un jour de pêche, le montage des
mouches, la préparation du matériel.
L’action de pêche
est toujours la même avec
ses séquences immuables mais chaque pêcheur apprécie diversement les
étapes. Il y a d’abord l’approche de la rivière, sa
« lecture » (recherche du poisson en fonction des
caches et du courant, recherche d’une éclosion d’éphémères et de
son espèce), la découverte de la truite et son observation. C’est
une étape où le pêcheur se déplace dans son environnement et peu
apprécier la beauté de la nature, rêvasser, s’évader de son
quotidien tout en restant très discret pour ne pas effrayer un poisson
qui alerterait les autres à leur tour. Avec le repérage
d’une truite ou d’un site où elle est susceptible de se cacher
commence véritablement l’art de la pêche. C’est un moment
de grande tension où le pêcheur doit mettre à profit toutes ses
connaissances pour choisir la bonne mouche et toute sa dextérité pour
la poser au bon endroit sans effrayer la truite. Avec un peu de chance,
si l’imitation de la mouche ou de la nymphe lui plaît, elle va s’en
saisir. Cet instant, qui ne dure qu’une seconde, constitue le point
culminant du plaisir de cette pêche. C’est un moment d’équilibre
furtif dans la rencontre où autant le poisson que le pêcheur ont leur
chance, le premier de s’échapper et le deuxième de le ferrer. Aussi
curieux que cela puisse paraître, j’ai manqué au ferrage à
la nymphe à vue au moins la moitié de mes poissons et, heureusement,
moins souvent en mouche sèche.
Puis, c’est le combat
qui peut durer de quelques minutes à plus d’une heure. Là aussi rien
n’est gagné. Le poisson peut casser la ligne, dévaler la rivière et
coincer la ligne entre les rochers, se blottir
sous une pierre et ne plus en déloger, passer sous les algues ou
derrière une branche, ou une souche, … Bref, c’est
un moment de grande tension et de concentration où le pêcheur
à tout le loisir de jauger le poids et la valeur de sa prise … et de
désespérer à l’idée de la perdre. Mon expérience m’a enseigné
que l’on perd plus de la moitié des beaux poissons. Quant aux prises
d’exception, il faut aussi un peu de chance pour les sortir de l’eau
ou les taguer (pour le marlin) ce qui ne fait que rehausser l’histoire
de leur pêche. J’aurai l’occasion
de vous raconter l’histoire de la prise d’une truite de 6,75
kg (15 livres !) et de la bagarre avec un énorme kingfish de plus
de 20 kg ainsi que d’un
marlin rayé dans la parution de
la page Internet « Nouvelle Zélande : île du nord »
d’ici fin-mars.
La tension se
transforme en exaltation quand enfin nous arrivons à mettre le poisson
dans l’épuisette ou quand le capitaine tient le marlin par le
rostre. C’est gagné … mais pas fini car le poisson peut encore nous
glisser des doigts au moment où la photo allait être prise, nous
pouvons glisser et tomber dans l’eau, … Quoiqu’il en soit, c’est
un moment de grand bonheur et d’intimité avec le poisson qui nous
rapproche de la nature. Je me sens alors comme privilégié par rapport
aux citadins. J’admire toujours la robe de mes truites et
j’affectionne surtout celles qui ont peu de points mais bien délimités.
Je vous en montrerais un magnifique exemple dans la prochaine édition.
Le temps d’une éventuelle photo, de la pesée et voilà que nous relâchons
déjà notre poisson avec beaucoup de tendresse pour celui qui nous a
donné tant d’émotions et pour qu’il vive encore longtemps
pour entamer encore quelques combats et se reproduire.
S’ensuivent les
congratulations du guide ou d’autres pêcheurs et la narration de l’histoire plus ou moins déformées.
C’est le temps des sourires et du souvenir jusqu’à ce que nous nous
remettions en quête d’un nouveau poisson. Et ces étapes, le pêcheur
passionné aimerait les reproduire jour après jour pendant des années
si c’était possible.
MATERIELS UTILISÉS
A la demande de pêcheurs,
je vous livre ici, sans rentrer dans les détails, le type de matériel
que j’utilise.
Cannes à pêche :
SAGE
modèle 589-5-SP
(petite rivière)
SAGE
modèle 890-3-RPLXi
(mer et grosses truites)
SAGE
modèle 1190-3-RPLXi (mer uniquement)
Jacky Boileau
modèle « Lac », éléments
Powell, 4 brins 9,2 p, soie
5 à 7 (ma préférée pour la Nouvelle-Zélande)
Canne à lancer léger
au cas où, mais que je n’ai encore pas utilisé dans ce voyage.
Moulinets :
Vivarelli
(remarqué par certains guides et détesté par d’autres)
Martin MG 10
(que je
n’ose plus utiliser car il me lâche lors des
grandes tirées)
Everglades
(Tibor) (pour les
soies No 8 et les Teenys 200 et 300)
Fin-Nor No 3
(pour la mer)
Soies :
Flottantes pour les
plus légères : 5 et 6. Derniers mètres teintés pour les rendre
discrètes.
Flottantes, intermédiaires
et plongeantes pour les soies plus lourdes.
Poly leader transparent flottant de 1,5 m et pol. coulant à des
vitesses variables.
Fils : Platil Ghost
14 % à 25 % (ça été une révélation pour moi car c’est un
fil discret
et solide), sinon du fluorocarbone.
Mouches : diverses et variées sans oubliés les émergentes, les
streamers …
et les souris.
Chaussures de marches perméables (pour que ça sèche vite et que la
marche soit aisée) avec des chaussettes de
wading que l’on
trouve en N-Z.
Long Johns et shorts (spécialités des kiwis).
Waders en Gortex SIMMS
(va aussi très bien même s’il faut marcher).
Chaussures de wading avec crampons métalliques (le feutre est
insuffisant selon les rivières et s’use vite à la marche).
Canne de wading : indispensable si l’on a l’équilibre précaire
et selon les
rivières.
Sinon le matériel habituel : lunettes polaroïdes, casquette, crème
solaire, repellent, …gants (quand les mains sont enflées suite aux
multiples piqûres de sandflys), …
H I S T O I R E S
D E
P Ê C H E
EN SOLITAIRE
Après toutes ces
marches, j’étais content d’avoir enfin le temps d’aller pêcher.
Autant vous dire tout de suite que mes débuts (du 2 au 7 janvier)
furent désastreux. Le temps n’a pas aidé non plus car il faisait
froid et gris presque tout le temps. J’ai pêché la dernière partie
de la Greenstone, l’Upukarora, la Mataora et l’Oreti sans prendre un
poisson. Et pas le moindre petit gobage pour se remonter le morale. Au
coup du soir, ces rivières étaient comme mortes … sauf les anguilles
qui sont venues m’inquiéter en humant ostensiblement mes chaussures
quand je les avais dans l’eau. Bref, ce n’était pas gai et je
commençais à sérieusement douter de moi et de la valeur de ces rivières.
Jusqu’à ce
fameux soir du 7janvier sur la Mataora où j’ai enfin aperçu quelques
gobages à la tombée du jour, et c’est ainsi qu’enfin je pris et
sortis assez facilement ma première truite new-zélandaise en mouche sèche
(émergente #16) qui pour une première pesait déjà dans les trois
livres. Ma joie fut intense et plus encore
quand suivirent deux autres truites d’approximativement le même
poids..
C ‘est
un peu écoeurant de penser que chacun de ces poissons auraient
constitué le « trophée de l’année » en Europe alors
qu’ici c’est une taille plus que moyenne.
Ce soir là fut mon
seul coup du soir de tout mon séjour en Nouvelle-Zélande !
JEFF JONES
Jeff fut mon
premier guide à Queenstown pendant cinq jours, du 8 au 12 janvier. Son
travail était particulièrement difficile en raison des fortes précipitations
qui eurent lieu le 9 et de l’absence de soleil. Nous n’avons eu une
bonne pêche que le premier et
le quatrième jour. Les autres jours nous n’avons rien pris à
l’exception d’une « petite » truite d’une livre prise
au Lac Wakatipu en sèche. Probablement une truite distraite qui avait
le nez en l’air. Au moins j’étais rassuré sur un point : ma
technique de pêche n’était pas seule responsable de mes échecs les
jours précédents.
La première matinée
fut mémorable. D’abord parce qu’il a fallu que je pêche les
pieds dans l’eau avec mes chaussures et sans chaussette de wading.
L’eau avait tout juste onze degrés à mon thermomètre de sorte que
j’ai très vite plus senti mes pieds et sortais le plus fréquemment
possible de l’eau. Je sortis d’abord deux truites en mouches sèches
(fario et arc-en-ciel) puis Jeff me montra une ombre dans l’eau en
amont qui trahissait assurément une grosse truite. Comme elle ne
montait pas sur ma mouche sèche, je mis une grosse nymphe plombée et
l’ai piqué à vue du premier coup. Là j’ai eu droit à une vraie
bagarre et je commis au moins deux erreurs : j’avais gardé mon
bas de ligne en 16% de la veille et je suis resté dans l’eau au lieu
de remonter sur la berge dès le début du combat. Jeff m’a filmé
pendant ce temps jusqu’à ce que je lui demande de l’aide pour la
mettre dans l’épuisette. Mais elle était lourde et très combative
et elle ne se laissa pas faire. Elle sauta deux fois devant nous comme
un saumon et nous l’avons estimé entre six et sept livres ce qui est
une très grosse truite fario pour cette rivière. Après quarante-cinq
minutes de combat, ce que nous craignions arriva : elle se mit à
redescendre le courant de l’autre côté de la rivière et passa derrière
des pierres immergées. Nous n’avions pas d’autre alternative que de
la suivre ce qui fut épique malgré l’aide précieuse de Jeff pour
traverser la rivière car ces pierres étaient glissantes. Finalement je
n’ai récupéré que mon bas de ligne … mais qu’elle bagarre. Je
m’en rappellerai toute ma vie.
ALAN CAMPBELL
Alan est guide de pêche
dans la région d’Omarama. Avec sa femme Marie, qu’il a rencontré
en France, ils tiennent un camping à Glenburn devant le Lac de Glenmore
à huit kilomètres d’Omarama. En logeant dans son camping, j’ai bénéficié
d’une chaleureuse compagnie francophone et goûté les excellents
plats de cuisine française préparés par sa femme. Rien que pour cela,
cela vaut le détour.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que je suis arrivé
avec une forte pluie et que nous avons eu une petite tempête le troisième
jour de pêche ce qui est tout à fait inhabituelle en été dans cette
région. Alan me demandait souvent ce que j’avais bien pu faire pour mériter
toute cette pluie et m’a promis de me suivre dans mon tour en N-Z en
fonction de la localisation des précipitations. La suite ne lui a pas
donné tort et un autre guide de Westport, Silvio, m’a surnommé le
« rainmaker ».
Cela dit, le
premier jour de pêche fut également mémorable et peut-être une des
meilleures de tout mon séjour. Nous avons pêché un petit ruisselet
d’eau de source pas plus large que deux mètres par endroits mais qui
regorgeait de grosses truites de deux à presque quatre kilos, pas trop
farouches, et qui se positionnaient à la queue leu leu tous les quinze
mètres environ. J’ai piqué neuf truites, toutes de magnifiques
farios, et mis six à l’épuisette. La plus grosse pesait 3,8 kg. Bien
que nous ayons essayé de les « faire monter » en sèche,
elles n’ont pris que des nymphes.
Cette fois l’intérêt
de cette pêche ne résidait pas dans le combat mais dans l’action de
pêche car toutes ces truites étaient situées dans des lieux rendant
quasiment impossible le maniement de la soie. De plus il y avait des
rafales de vent et la fenêtre dans la végétation n’était parfois
pas plus grande qu’un demi-mètre ! La tension fut très grande,
parfois à la limite de la crise de nerf quand la nymphe se prenait dans
la végétation à proximité de la truite. Heureusement qu’Alan était
là pour décrocher l’hameçon qui se prenait dans la végétation
derrière moi, sans quoi, je me demande encore si j’aurais sorti une
truite.
IAN MURRAY
J’ai contacté
Ian après l’avoir rencontré au magasin de sport de Te Anau. Je
souhaitais aller pêcher la rivière Athur où j’avais vu de vrais
monstres. Malheureusement, il n’est pas possible de remonter la rivière
en bateau et il faut une autorisation spéciale pour se poser en hélicoptère.
Il me proposa, par contre, un jour de pêche en lac à l’embouchure de
certaines rivières. Pour une fois il n’a pas plu mais il y avait
beaucoup de nuages. Or, pour la pratique de ce type de pêche qui
s’apparente à la pêche du bonefish sur les flats, il faut du soleil
pour localiser les truites.
Pendant, la matinée,
ce fut une partie de cache-cache avec le soleil qui daignait faire son
apparition dans une trouée de nuages que trois minutes par heure. Mais
pendant ces trois minutes, le flat s’éclairait comme un aquarium et
j’étais presque sûr d’attraper une truite de belle taille. Pour
cela, il suffisait de lancer un petit streamer à proximité de la
truite qui se jetait dessus dès que nous l’animions de petits coups
secs.
L’après-midi, ce
fut l’inverse : il faisait grand beau mais les truites étaient
devenues boudeuses. Alors nous avons pêché une de ces petites rivières
très peu pêchée et nous nous sommes régalés avec
des arcs-en-ciel qui
se jetaient sur nos énormes royales wulff No 10.
Je précise ici que
l’emploi de la première personne du pluriel comme sujet ne signifie
pas que le guide pêche, même si vous pouvez parfois les voir avec une
canne dans la main sur certaines photos. C’est à leur demande que je
ne mentionne pas les noms des rivières où nous avons pêché car je
respecte leur profession. Je parlerai plus longuement des guides dans la
prochaine page sur Internet.
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