PÊCHE

SOMMAIRE :
  • Helena
  • La Missouri
  • Great Falls 
  • La Blackfoot
  • Garnet, ville fantôme
  • Rock Creek
  • La Bitterroot
  • La Clearwater
  • La Lochsa
  • Silver Creek
  • Henry's Fork
  • Parc national du Yellowstone ou le sanctuaire des montagnes Rocheuses
  • La Boulder
  • La vallée du Paradis
  • Conclusion


Helena :                                         

Je suis arrivé à Helena le dix-neuf septembre avec un vol presque vide de passagers en raison des évènements du onze du même mois. Il faisait grand beau de sorte que j’ai pu observer le relief du Montana et constater qu’il ne correspondait pas à l’idée que je m’en étais fait. En effet, vu d’en haut, je n’ai point aperçu de montagnes escarpées et enneigées comme en Alaska ou en Colombie-Britannique mais plutôt des collines peu boisées au teint jaune pâle rappelant l’aspect d’une terre aride. Ma première impression m’a été rapidement confirmée dans un magasin de pêche où l’on m’a dit que le Montana et ces environs souffraient effectivement d’une sécheresse jamais vue depuis septante ans ! Les prairies des grandes plaines des Rocheuses sont cependant habituellement jaunies par le dessèchement à la fin de l'été.

Helena est une petite ville de quelques dizaines de milliers d’habitants et cependant la capitale du Montana. Son architecture a su garder l’humilité et la discrétion à l'image de cet Etat. Point de gratte-ciel arrogant ou de bruyantes artères routières ici mais un centre ville qui témoigne encore l’époque des pionniers et des premiers établissements du XIXe siècle.

J’ai aussi été étonné d’avoir été conduit par le même chauffeur de taxi pour les six trajets où j’en ai eu besoin alors que j’appelai à chaque fois la centrale : c’est dire combien cette cité respire la province. Tout semble si calme ici et même déraisonnablement mort les week-ends. Figurez-vous qu’il n’y a même pas de cybercafé car, paraît-il, ce n’était pas rentable, alors que les dix ordinateurs de la bibliothèque étaient pris d’assaut selon une liste déjà remplie pour la semaine. En chemin, il m’était difficile de ne pas tomber sous le charme des cafés au décor rappelant les westerns.

A l’image de leur ville, j’ai trouvé les gens absolument charmants et soucieux de m’aider au maximum. La plupart ont pris le temps de discuter avec moi et ont été indulgents envers mes fautes de langue. Je tiens à spécialement remercier Nick et Jami - vendeurs au magasin de pêche « Cross Currents » - pour leurs conseils et leur disponibilité. C’est grâce à eux que j’ai pu planifier intelligemment mon itinéraire en fonction de la saison et de la sécheresse, et je peux vraiment dire qu’ils m’ont vraiment bien conseillé jusque dans les moindres précisions topographiques et détails de pêche. Comme ce magasin est également spécialisé dans le matériel de pêche à la mouche et qu’il est bien situé, je n’hésite pas à vous donner ses coordonnées : www.crosscurrents.com .

En regardant mon itinéraire, vous constaterez que je me suis d’abord déplacé vers l’est pour arriver au col de « Lolo Pass » avant les premières tombées de neige qui m’auraient fermé le chemin. Je me suis ensuite rendu à Clearwater dans l’espoir d’y pêcher un steelhead, puis vers le sud pour rejoindre la vallée du soleil et le mythique « Silver Creek ». Mon tour a pris fin avec le parc Yellowstone. A ce stade, je ne savais évidemment pas toutes les rencontres et découvertes que j’allais faire, mais j’avais en tout cas la ferme intention de profiter de mon indépendance pour visiter quelques musées. J’espère vraiment que mon journal pourra vous inspirer dans la planification de votre propre tour et vous sensibiliser à d’autres réalités que purement halieutiques.

Dans ce sens, la visite du « Montana Historical Society Museum » me fut absolument profitable car il m’a ouvert les yeux d’une part sur l’expédition de Lewis et Clark, dont je suivais en partie l'itinéraire, et d’autre part sur les artistes peintres C.M.  Russel et O. Setzler qui ont figé sous leurs pinceaux avec respect et amour plusieurs aspects de la vie des Amérindiens de cette région. D’autres pièces du musée exposent des objets relevant de leur culture.

J’avoue avoir été sous le choc de constater mon ignorance quant aux évènements qui jalonnèrent la conquête de l’Ouest. Saviez-vous que les premiers pionniers n’arrivèrent que vers 1810 ? Que les premières « villes » ne furent érigées qu’aux alentours de 1850 – 60, notamment au moment de la ruée vers l’or ? Que les guerres indiennes eurent lieu jusqu’en 1890 !? Rarement je me suis senti aussi peu au courant sur un sujet que je pensais connaître, tout du moins un petit peu. C’est la raison pour laquelle je me suis décidé à faire le détour à Great Falls pour y visiter le musée de Lewis et Clark et celui de C.M. Russel. Je ne peux qu’encourager les pêcheurs à visiter un de ces musées, par ailleurs fort bien conçus et de proportion raisonnable, ne serai-ce que pour ne pas mourir plus idiot qu’on ne l’est. Je ne résiste pas à souligner à nouveau la jouissance de la liberté que mon indépendance m’a procuré dans ce tour. Nul besoin d’ergoter cent-six heures un changement de programme : j’exauçais mes désirs et mes envies devenaient réalité !

La Missouri :                               

Si vous discutez avec des pêcheurs européens du nord-ouest américain, ils vous aligneront certainement une série de noms de rivières mythiques comme la Henrys Fork, Silver Creek, La Madison etc … Quelle ne fut donc pas ma surprise quand Nick et Jami me convinrent de passer quelques jours au bord du Missouri ! Cette grande rivière, pensais-je, ne peut être qu’ennuyeuse à pêcher à la mouche et polluée de surcroît. Eh bien pas du tout et je dirai même que sa pêche a été une révélation pour moi.

Cette rivière a en effet un secret qui la rend très attrayante et connue des pêcheurs locaux. Elle possède une succession de barrages dans la vallée - région nommée la « porte des montagnes Rocheuses » - entre Helena et Craig qui régularise son cours et maintient son eau fraîche et claire en toute saison, raison pour lesquelles elle est surnommée « big spring creek » ( trad.: grande source). Bénéficiant de ces conditions exceptionnelles, les insectes aquatiques pullulent et la faune piscicole y est abondante et en bonne condition. Comme si cela ne suffisait pas, elle coule dans un cadre naturel sauvage offrant un défilé de paysages bucoliques aux  pêcheurs la naviguant en barques ou  sur flotteurs.

A peine arrivé à Craig que Valentin m’accueilli à l’entrée d’un des magasins de pêche. C’est peut-être bien la plus grosse surprise de tout mon voyage car je ne savais absolument pas qu’il était ici et lui n’était pas au courant de mon voyage. Valentin était l’un des guides argentins que j'ai rencontré au lodge Yrigoyen en Terre de Feu en 1999. Nous avions à cette occasion beaucoup discuté et sympathisé. Je dois reconnaître que j’ai été pris d’une grande émotion quand nous nous sommes serrés dans les bras. Vous aurez certainement l’occasion de lire mon journal au sujet de ce voyage d’ici quelques mois. Pour l’instant, il me parla de ses projets, de la pêche ici mais aussi des difficultés de son pays. Il devait malheureusement rentrer le jour suivant en Argentine de sorte que nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de pêcher ensemble mais nous nous sommes promis de remettre cela à une prochaine fois.

Craig est un tout petit village mais il y a probablement plus de magasins de pêche que l’ensemble des autres commerces réunis ! Si vous êtes intéressé par ce lieu, je vous conseille vivement de réserver votre chambre à l’avance. Bien que la saison était avancée quand je suis arrivé, j’ai tout de même trouvé un lodge à prix abordable à Wolf Creek avec l’aide de Valentin. Leurs coordonnées sont les suivantes : « Missouri river trout shop » à Craig : flyshop@thetroutshop.com, www.thetroutshop.com et  « Wolf creek outfitters » à Wolf Creek : www.wolfcreekoutfitters.com . Il y a d’autres adresses mais vous devriez vous débrouiller avec celles-ci.

J’ai passé quatre jours dans la vallée du Missouri, pêchant entre l’aval du barrage Holter et Deaborn. Je crois que les photos de droite et de la page « photos » vous donnerons une idée de la beauté des sites. Ce furent mes plus belles journées de pêche de mon circuit et les truites étaient toutes de belles tailles avec une moyenne de un kilo au peson de ma filoche. Je les ai prise principalement en nymphe dans les rapides, aux streamers dans les endroits plus profonds et en sèche le soir. Il y avait certes des gobages pendant la journée mais généralement inaccessibles même  en waders.

                             

Par contre, aussi incroyable que cela puisse paraître, des truites de trente à quarante centimètres se tenaient à moins d’un mètre de moi en aval, guettant les larves délogées sous mes pieds. Elles se jetaient alors littéralement dans mes waders quand elles en apercevaient une. Elles étaient si proches de moi qu’il m’était impossible de leur faire passer correctement ma nymphe. Si telle avait été le cas, je vous laisse imaginer la « pêche à vue » miraculeuse que cela aurait donné. Pensez aussi à la frustration des pêcheurs qui vivaient quotidiennement ce spectacle ! Je ne connais aucune rivière possédant autant de qualités en Europe. Seriez-vous assez aimable de me le faire savoir si vous en connaissez une ?

Sur le chemin du retour, j’ai eu la surprise de voir un homme et une femme scruter intensément une coupe pour la route dans les sédiments rocheux. C’est tout de même pas aux USA que l’on peut découvrir de vieux tombeaux, non ? Quand je leur demandais ce qu’ils faisaient, ils me répondirent qu’ils cherchaient des fossiles !

La lecture du livre de Jack Horner « Dinosaurs under the big sky » m’apprit que cette région est riche en restes fossilisés de dinosaures du Crétacé. Je ne peux m’empêcher de me représenter ces grands troupeaux de triceratops aux aguets d’un groupe de Deinonychus  pendant qu’un Tyrannosaurus rex festoie en solitaire l’un des leurs. La mer n’était par ailleurs pas loin et regorgeait de poissons que de lestes plésiosaures pourchassaient pendant que des ptérodactyles tournoyaient dans les airs. N’entendez-vous pas leur cris ? Si ce n’est pas le cas, je vous invite à relire l’  « infos dinosaures » du journal de Colombie-Britannique. Les représentations de ces époques ci-contre de Karen CARR ( www.thefernleaf.com/merchant2 ) peuvent également vous aider dans cette effort de transposition. 

J’avoue que j’envie un peu les paléontologistes qui lisent dans les couches géologiques pour retrouver des restes fossilisés d’une époque d’un autre âge et flirtent de leur imagination avec ces titans maintenant disparus. C’est encore un autre moyen de se rapprocher de la mère nature, mais cette fois-ci en arpentant les collines ravinées et désolées des « badlands », seul endroit laissant les couches sédimentaires facilement accessibles au regard.

A propos de paléontologie, savez-vous que le touristes peuvent, sous la houlette d'un spécialiste, se livrer à cette passion ? Il existe en effet des expéditions de recherches, d'extraction et d'identification d'os ou d'œufs fossilisés de dinosaures dans le Montana. Les curieux peuvent toujours cliquez sur www.paleo-world.com . Pour ma part, je trouve idéal de participer une semaine à ce genre d'expédition, de pêcher deux semaines dans la région et de visiter pendant les jours restant des sites et des musées en rapport à la culture amérindienne sans oublier le fameux Royal Tyrrell Museum of Paleontology en Alberta (Canada). Les même possibilités sont offertes en Mongolie : www.nomadicexpeditions.com/notes-previous.html 

Regardez bien ces images. Ne trouvez-vous pas que cela ressemble à certains paysages de Nouvelle-Zélande, notamment avec toutes ces fougères arborescentes ? Je me demande si une des raisons qui me font tant aimer ce pays ne vient pas aussi du fait que cet environnement vous transpose dans un autre temps. Le dépaysement est garanti.

Great Falls :                                      

Après ces envolées dans une autre ère géologique, je vous invite maintenant à me suivre le long du Missouri jusqu’à Great Falls. Ce fut une très courte étape, juste le temps de visiter les musées de Lewis et Clark et de C.M. Russell.

Le premier est situé en haut d’un promontoire surplombant le Missouri et à proximité de la « Grande Chute » du Missouri qui a donné son nom à la ville. C’est un lieu historique  car c’est à partir de cet endroit que l’expédition de Lewis et Clark a affronté les premières difficultés liées au terrain. Ils durent en effet tirer en haut de la pente escarpée les canaux et tout leur équipement ! Cela s’est passé en juin 1805 et cet épisode est très bien reconstitué au centre interprétatif L. et C. sur les lieux même où cela s’est déroulé.

A partir de maintenant, je laisse momentanément les dinosaures de côté pour vous parler un peu plus de cette expédition dont j’ai suivi par endroit le chemin. Pour nous, dont notre civilisation est profondément enracinée dans le sol du « vieux continent »,  il nous est probablement difficile de comprendre ce que cela représente pour les Américains vivant actuellement sur place. Cette épopée n’est pas seulement celle de la découverte de nouvelles terres et nations, mais rappelle aussi le premier amour que ces hommes blancs ont ressenti pour cette terre.

Il est bon de noter ici que les hommes constituant  le corps de cette expédition ont été presque toujours reçus en ami par les tribus indiennes et ont même dû leur salut à leur aide pour se diriger dans les Rocheuses et à leur pitié quand ils étaient transis de froid et à demi morts de faim. Cinquante ans plus tard, leurs terres furent pillées avant de leur être conquises, les troupeaux de bisons furent massacrés présageant le sort des Indiens. A peine un siècle après ces premiers contacts, ils étaient « parqués » dans des réserves, interdits de pratiquer leurs traditions ancestrales et leurs enfants placés dans des internats pour les « civiliser ». Ah oui ! Elle est belle notre civilisation ! Nous pouvons être fiers de nos ancêtres !

Dans cette sanglante conquête des terres et du pouvoir par les Blancs, il y en a quand même eu quelques-uns qui se sont donnés la peine de témoigner la fierté de ces peuples, la beauté de leur traits physiques et la noblesse de leur culture. C’est le cas par exemple de C.M. Russell qui est arrivé en 1880 à l’âge de seize ans au Montana. Il d’abord travaillé pendant onze ans comme cow-boy avant de se destiner uniquement à la peinture. Ami des Indiens qu’il côtoyait et respectait, ces derniers lui ont bien rendu ses marques d’estimes en se laissant peindre jusque dans leur intimité. Aller visiter le musée portant son nom a été ma manière de reconnaître cette générosité d’âme et m’imprégner de la culture amérindienne, la vraie, celle dont nous sommes tristement responsables de sa disparition. Je vous invite aussi à admirer ses chef-d’œuvres à la page « photos ».

La Blackfoot :                                    

C’est avec la tête encore pleine d’images et de récits d’aventures que je quittais Great Falls en fin d’après-midi pour me diriger vers Ovando en suivant la route des Indiens chasseurs de bisons. Pendant que le soleil se couchait, mes pensées vagabondaient sur ces grandes plaines rougeoyantes où des dizaines de milliers (si !) de bisons broutaient paisiblement sous les regards d’une dizaine d’Indiens les guettant couchés dans les herbes du haut d’une colline.

Je fus rattrapé par un violent orage au moment de pénétrer dans la vallée de la rivière Blackfoot. La circulation devint même très dangereuse en raison du risque d’accident lié chutes de branches et d’arbres et encore bien plus par le déambulement  de plusieurs daims à queues blanches effrayés par ce débordement naturel. Il ne pleuvait pas mais ma voiture tanguait sous les assauts des rafales de vent. Inutile de dire que je fus soulagé d’arriver au hameau d’Ovando où j’avais réservé une chambre dans l’unique B&B (c/o Howie et Peggy,  www.blackfoot-inn.com , tél. (406) 793 55 55)

                   

Avec la fin de la tempête s’évanouit aussi l’espoir d’une pluie salutaire. Depuis la dernière tombée de neige en août ( ! ) il n’y avait plus eu de précipitation ici. Comme il avait peu neigé l’hiver dernier, une vraie sécheresse régnait ici avec un risque important d’incendies. Les champs étaient craquelés, les ruisseaux asséchés et les rivières avec un manque d'eau rarement égalé. Une vraie calamité pour tout le monde, poissons et pêcheurs compris.

C’est donc curieux mais un peu pessimiste que j’abordais la Blackfoot sous un soleil de plomb. Cette rivière était aussi la préférée de l’auteur du livre « au milieu coule une rivière » dont le film a fait connaître au monde entier le charme mystérieux de la pêche à la mouche mais hélas aussi beaucoup d'émules. Les séquences de pêche n’ont cependant pas été tournées ici mais sur la rivière Madison. Elle est cependant restée populaire parmi les pêcheurs car la vallée peu peuplée a gardé son caractère sauvage ce qui permet au pêcheur de longer la rive sur une grande partie de son cours sans être entravé par des clôtures. Elle se pêche néanmoins principalement en barque ou en flotteurs, ce qui permet de couvrir une plus grande partie de son cours tout en admirant le charme sauvage de la vallée. Les pêcheurs rencontrés au B&B avaient la plupart un guide qui les amenait en bateau. C’est certes assez cher mais au moins ils rentabilisaient leur journée par de nombreuses prises et le bonheur de pêcher confortablement dans un cadre somptueux.

Ma journée de pêche débutait par un lever matinal à 9h30 – 10h00, jamais avant pour éviter un stress pupillaire aigu, puis je déjeunais tranquillement. J’allais ensuite discuter avec le marchand de pêche d’en face (Blackfoot angler : angler@blackfoot.net ) qui me proposait tel coin avec telles mouches. J’étais donc tout à fait satisfait si j’avais les pieds dans l’eau à 1h00 ou même 2h00 de l’après-midi car je faisais une chasse effrénée au moindre stress tant psychologique que physique. D’ailleurs, la plupart du temps je lézardais d’un coin à un autre en voiture en prenant quelques photos et en évitant soigneusement les autres pêcheurs.

Il y avait de toute façon très peu d’éclosion et les truites semblaient aussi alanguies que moi par la chaleur et ne s’aventuraient à mordre qu’en fin d’après-midi. La technique conseillée consistait à faire chuter lourdement des imitations de sauterelles ou de gros coléoptères qui auraient fait pleurer de rire n’importe quelles truitelles savoyardes mais qui s’avéraient prenante ici.

J’avoue que la pêche fut très moyenne avec quatre à cinq truites arc-en-ciel ou « cutthroats» (trad. : gorge coupée, cf. aussi la page « curiosités ») de plus de vingt-cinq centimètres qui ont toutes été rendues à leur élément. Même la nuit n’apporta pas de surprise particulière de sorte que je quittais la rivière à la nuit noire pour chercher désespérément un restaurant digne de ce nom et qui servait encore après 21h30.

Il m’arriva un soir quelque chose de tout à fait surprenant. Alors que j’avalais machinalement un mélancolique hamburger dans l’unique bar d’Ovando en regardant les nouvelles américaines du même goût sur leur « new war », je fus apostrophé par mon voisin de droite et unique quidam du bar. C’était un paysan du coin d'environ la soixantaine à mon avis. Je m’attendais à des propos pro-américains et virulents à l’encontre des Afghans. Quelle ne fut pas ma surprise quand il m’exposa ses préoccupations au sujet de la surexploitation des sols, du déséquilibre entre les besoins de l’homme et les ressources naturelles, etc. ! Je précise que je n’ai pas moi-même amorcé la discussion sur ces sujets. Alors est-ce la sécheresse qui lui donnait un tel accès de lucidité ou bien est-ce que l’Américain moyen deviendrait plus critique par rapport à son mode de vie ? Quoi qu’il en soit, ce ne fut pas la dernière personne avec qui j’ai discuté aux USA qui soutenaient de telles idées de sorte que j’ai quand même l’impression que quelque chose bouge dans leur mentalité.

Garnet, ville fantôme :                      

A trois heures de route à peine d’Ovando, mais dont la moitié sur un chemin caillouteux, vous pouvez visiter la ville fantôme de Garnet blottie  dans une forêt d’une chaîne de montagne du même nom. C’est maintenant un musée en plein air qui illustre bien la vie des chercheurs d’or de la fin du  XIXe et début du XXe siècle.

Son histoire commença vers 1870 avec la découverte puis l’exploitation traditionnelle du site par lavage du limon aurifère d'un ruisseau. Bien que ces premiers mineurs aient déjà découvert des filons aurifères dans le quartz, ils durent attendre 1895 que la création d’une route permette l’acheminement d’un équipement plus lourd. L’extraction d’argent était aussi plus rentable. Quand cela pris fin en 1893, il y eut une vraie ruée vers l’or et des centaines de personnes s’établirent quasiment du jour au lendemain à cet endroit. D’autres villes poussèrent également à l’ombre des conifères dans les alentours. En janvier 1898, on dénombrait mille habitants à Garnet. Il y avait alors quatre magasins, quatre hôtels, trois écuries, deux barbiers, un boucher, une épicerie, un bureau médical, une école avec quarante et un écoliers et bien sûr treize salons avec beaucoup d’alcool … mais pas un seul architecte. Inutile de dire que les bâtisses étaient très rudimentaires et dépourvues d’abri anti-atomique et n’avaient même pas de fondation !

Deux ans plus tard, certaines mines furent abandonnées car l’extraction du minerai ne devenait pas assez rentable. En 1905, la « ville » ne comptait plus que cent cinquante habitants. Un incendie du centre commercial en 1912 puis encore la première guerre mondiale finit de l’achever.

Elle eut cependant un deuxième essor en 1934 quand le prix de l’or doubla pour s’effondrer à nouveau avec la deuxième guerre mondiale. Elle devint une ville fantôme avec la mort de son dernier résidant en 1947.

L’histoire de cette ville témoigne bien l’attrait irrésistible de certains hommes pour ce minerai jaune et la soif d’aventure. Cela m’a rappelé la ruée vers l’or à Darwin City au Canada (prochainement sur ce site sous Alaska 2). Je le répète, cette rapacité de l’homme blanc pour l’argent, la capitalisation de terres et de biens, l’attrait du pouvoir et j’en passe … est vraiment quelques choses qui m’interpellent et me choque. Je me demande aussi comment se fait-il que les Anglo-saxons - colonisateurs de la Nouvelle-Zélande au même siècle et confronté aux même conflits territoriaux avec les Maoris et aussi attirés par l’or - n’ont cependant pas laissé de trace derrière eux. Il est vrai que la nature néo-zélandaise est à mon avis infiniment plus belle et fragile que celle des USA et que ces habitants ont peut-être adopté pour cette raison une tradition de « ne laisser que nos empreintes derrière nous ».

Rock Creek :                                     

Nick et Jami m’avaient vivement recommandé cette rivière comme étant l’une des plus célèbres du Montana pour la pêche. Elle offre effectivement plusieurs caractéristiques qui ont font une rivière à part. Relativement petite et coulant dans une vallée assez resserrée, elle ne souffre pas trop des prises d’eau pour l’irrigation et n’est pas non plus polluée par les engrais. Aucun barrage ne l’entrave et elle offre une grande diversité d'aspect dans sur son écoulement. Ses rives sont aussi peu habitées de sorte que l’on y trouve une faune sauvage encore abondante. Un chasseur venait de tuer un grand orignal mâle en haut de son cours quand j’y étais. C’est donc effectivement une rivière typique à truite.

Malheureusement elle souffrait comme toutes ses consœurs de la sécheresse et la plupart des caches à truites sous les berges ou les grosses pierres n’offraient plus leur protection. Pour cette raison, la pêche fut moyenne et m’a donné l’impression que les truites étaient redescendues dans la rivière Clark Fork, elle-même exceptionnellement basse (guéable sans problème !).

Je me rappellerai pourtant longtemps de ce lieu pour y avoir fait la connaissance de Doug, le tenancier du magasin de pêche du coin (fisherman’s mercantile & motel : remerc@blackfoot.net , www.remerc.com ). Je l’ai rencontré assis à l’arrière de la boutique en train de monter des mouches pour des clients tout en papotant avec eux.

                   

Son petit-fils était là aussi qui conseillait les clients. Je l’associais immédiatement au personnage central du livre que je lisais à ce moment : « la constellation du Pêcheur » de  Craig Lesley, coll. 10/18, 1997. Dans ce livre, dont l’action se passe en 1950 dans un petit village du Montana, Culver fait la découverte de la vie à travers l’univers de la pêche qu’il rencontre dans le magasin de son oncle Jake. Je ne vous en dis pas plus mais le livre est tout à fait passionnant et décrit assez bien l’ambiance qui devait régnait dans ces petits villages mixés à une population indienne et où il faut bien avouer que la pêche avait autant d’importance que le football chez nous. Oui, cela peut paraître étonnant mais dans le Montana, vous n’êtes pas grand chose si vous ne pêchez ou ne chassez pas !

J’ai adoré ce magasin de pêche non pas seulement parce qu’il était bien achalandé mais surtout par son caractère vivant. Doug sait vous mettre à l’aise et il connaît une foule de chose. Il m’est apparu comme un puits de science et d’expérience sur la pêche à la mouche. Formé par les maîtres du montage de mouche, il peut vous en monter une les yeux fermés. « Surtout, Didier, ne coupe pas les tinsels qui dépassent car nos truites ne sont pas suisses et elles n’ont que faire du "propre en ordre" de ton pays ».

Un jour, il me dit : « il y a trois stades dans la pêche : dans le premier, le pêcheur veut prendre beaucoup de poisson ; au second, il veut prendre de gros poissons et dans le troisième il veut les prendre parfaitement, sans se préoccuper de la taille et du poids ». Ces sages paroles résonnent encore dans ma tête.

Par « parfaitement », il faut comprendre que le pêcheur ne s’attarde que sur un poisson qui se nourrit ou qu’il voit à l’affût et pour lequel il va tout faire pour le prendre du premier coup en choisissant la bonne mouche puis en s’approchant adroitement sans se faire repérer et finalement en prenant le poisson au premier ou deuxième coup de ligne soigneusement posé. Comme en Nouvelle-Zélande, quoi !

Voyez-vous, cette attitude fine et sensible de se fondre dans l’élément naturel est ce qui fera toujours toute la différence entre le joggeur, le skieur ou pire le footballeur et le pêcheur. Le jour ou les footballeurs mettront un point d’honneur non pas à mettre le plus de but possible mais à jouer en harmonie avec lui-même et son équipe dans le respect des règlements et de ses adversaires pour mettre des buts artistiques, il est possible que vous me voyiez  à un match.

Tout ceci m’amène parfois à rêver d’une immigration en Nouvelle-Zélande, par exemple sur la côte nord-ouest de l’île du sud. Là, j’aurai mon magasin de pêche avec un tea-room attenant dans un petit village proche des montagnes. Je donnerai des leçons de montage de mouche aux jeunes et ferai des thérapies de groupes avec les vieux nostalgiques du passé. Accessoirement, je deviendrai millionnaire, non pas avec le magasin de pêche, mais grâce aux pains et pâtisseries préparées à la mode de chez nous et introuvables en Nouvelle-Zélande. Cela me permettra de partir pêcher en hélicoptère avec un guide tous les week-ends de l’année. Oh oui ! La vie serait bien belle comme ça. Comme j’aime ce pays et son environnement unique !

Pour l’instant revenons dans le Montana. Si vous souhaitez venir ici pour pêcher, Doug m’a conseillé le mois d’avril. D’une part la rivière n’est pas encore trop fréquentée, mais surtout il y a des éclosions  de mouche de pierre nommée « skwala » qui font perdre toute méfiance aux truites. Avis aux amateurs. Pour l’hébergement, le plus simple consiste à dormir dans le motel appartenant aussi à Doug. Juste à côté, vous pouvez manger dans un très pittoresque restaurant. Les personnes plus nanties peuvent également dormir au B&B « the blue damsel » un peu plus haut dans la vallée (niki@thebluedamsel.com , www.thebluedamsel.com ).

La Bitterroot :                             

La vallée de la Bitterroot ne mérite pas seulement notre attention parce qu’elle est belle, mais aussi parce qu’elle a été le théâtre d’au moins deux évènements historiques.

C. M. Russell (1918) : rencontre de Lewis et du chef Shoshone Cameahwait

Lewis & Clark, voyage of discovery, S. E. Ambrose, National Geographic Society, 1998

Lewis et Clark, guidés par des Indiens shoshones, arrivèrent dans cette vallée en septembre 1805  avec leurs hommes (environ quarante). Ils rejoignirent la vallée en passant le col du sentier perdu (« lost trail pass ») à la frontière actuelle entre le Montana et l’Idaho. Il faut se représenter ces hommes avec déjà un an de route derrière eux, fatigués et découragés par la difficulté à trouver une route navigable qui puisse rejoindre l’océan Pacifique. La chaîne de montagne Bitterroot s’interposait sur leur chemin et l’approche de l’hiver ne faisait rien pour les rassurer. Ils rencontrèrent ici des Indiens Salish qui leur donnèrent des peaux de bisons, de la nourriture et des chevaux frais.

                               (Photo : Barbara June)

Sur le chemin du retour, ils arrivèrent dans cette même vallée début juillet 1806. Lewis constata alors que des Indiens se nourrissaient de la racine d’une fleure rose. Nommée Bitterroot (trad. « racine amère »), elle donna son nom à la vallée et la chaîne de montagne environnante car elle leur donnait sa couleur au moment de la floraison. La taxonomie latine (lewisia rediviva) honore son découvreur américain. Elle est également la fleure emblématique du Montana.

Septante deux ans plus tard, Chef Joseph empruntait le même chemin que Lewis à son retour. Souhaitant conserver la liberté pour son peuple Nez-Percé et refusant de s’établir dans une réserve, il guida les siens (composés aussi de femmes et d’enfants) vers le Canada - où se réfugiait déjà Sitting Bull - avec la cavalerie américaine à ces trousses. Cette épopée de 2’700 kilomètres fut parsemée d’escarmouches avec les soldats dont l’une eu lieu juste à quelques kilomètres du col du sentier perdu (à Big Hole, 9 août 1877) et où décédèrent nonante des siens (femmes et enfants aussi, bien entendu). « Malgré toute l’habileté des Indiens et les nombreuses escarmouches au cours desquelles ils infligèrent de lourdes pertes aux soldats, Joseph et son groupe durent finalement se rendre (à seulement 60 kilomètres de la frontière canadienne). Avec les nombreux blessés, les femmes et les enfants épuisés, décharnés, il n’était plus possible de s’échapper ; plus de cent cinquante Nez-Percés avaient déjà succombé… Les soldats embarquèrent les survivants en Oklahoma, où près du quart d’entre eux fut emporté par la malaria » (« les civilisations des Indiens d’Amérique du Nord » sous la direction de Christian F. Feest, Könemann Verlagsgesellschaft mbH, 2000).                                   (Photo : "Histoire des Indiens d'Amérique du Nord", Alene Hirschfelder, Larousse, 2001) 

Au moment de la reddition, Chef Joseph aurait prononcé ces célèbres paroles :

« Je suis fatigué de combattre. Nos chefs ont été tués. Les anciens sont tous morts. Il fait froid et nous n’avons pas de couvertures. Les petits enfants gèlent. Plusieurs des miens ont pris la fuite dans les collines et n’ont ni couvertures ni nourriture ; nul ne sait où ils sont, peut-être sont-ils en train de mourir de froid. Je veux avoir le temps de chercher mes enfants et de voir combien je réussis à en trouver. Peut-être les découvrirai-je parmi les morts. Ecoutez-moi, mes chefs. Je suis fatigué ; mon cœur est triste et morne. Dorénavant, je ne veux plus combattre. » (« Les secrets des Indiens d’Amérique » S. Bedetti, éditions de Vecchi, 1999). Exilé, on ne lui permit qu’une brève visite à sa terre ancestrale avant sa mort en 1904.

« Amour de la paix, éloquence et génie militaire, alliées à une tragédie personnelle et à un physique photogénique, firent de Chef Joseph, aux yeux des Blancs, l’exemple type du « bon » Indien, dont le sort était certes regrettable, mais inéluctable. » (« Les civilisations des Indiens d’Amérique du Nord », op. cité).

"Inéluctable" ?! Ce mot me choque venant des Américains qui étaient déjà à cette époque les chantres de la liberté. Ainsi n'était-il pas possible que des hommes partagent d'autres valeurs que les Blancs ? Qu'il n'y avait pas d'autre alternative pour l'homme blanc que de capitaliser la terre et ses richesses, quitte à asservir, voir anéantir, des nations différentes ? Ose-t-on encore parler d' "assimilation" quand cela s'est fait par l'entremise de traités hypocrites, la déportation dans des réserves, la force des armes puis le retrait des enfants à leur famille ? Savez vous que des plus de cinq millions (estimation) d'Indiens vivant en Amérique du Nord avant l'arrivée des Blancs, on n'en dénombrait que 350 000 en 1950 ? N'était-il pas envisageable que pendant ces siècles des "lumières"  nous prenions exemple sur des cultures ayant une vision plus équitable et équilibrée de l'homme par rapport à l'environnement ?

Ah non ! Je ne peux pas dire que je suis fier du comportement de mes ancêtres envers les Amérindiens, pas plus là que dans la plupart des autres contacts que nous avons eus avec des nations étrangères! Le pire étant qu’à mon avis, nous ayons très peu évolué et gardons au font de nous cette attitude arrogante et dominatrice. Après avoir conquis les moindres recoins de notre terre, sondé les profondeurs abyssales des océans, marché sur la lune  et peut-être bientôt sur mars, je me demande quand est-ce que l'homme va apprendre à vivre en harmonie avec son biotope, en laissant à toutes les espèces sa chance d'exister et d'évoluer ?

Les pêcheurs se demanderont à nouveau où je les emmène après un premier détour à l’ère des dinosaures. Je leur réponds que l’exercice de la pêche est pour moi indissociable d’une curiosité pour l’histoire géologique, biologique et finalement humaine du lieu. Au bord de l’eau, il m’arrive souvent de fermer les yeux et d’essayer d’imaginer ce qui a pu se passer sur cette terre.

Dans ce sens, je me suis rendu au refuge naturel national Lee Metcalf, quelques kilomètres en amont de Stevensville, car c’est l’un des seuls endroits conservant un environnement à peu près indemnes et donc dépourvus de barrière. J’ai bien essayé de pêcher le bras ouest de la rivière en amont de Conner, mais comme à Rock creek, le niveau d’eau était trop bas pour offrir une pêche intéressante. J’ai obtenu de bons résultats dans les courants à la nymphe et le soir avec des imitations de sauterelles.

Pour la petite histoire, je mentionne qu’un pêcheur m’a conseillé de pêcher un petit affluent de la Bitterroot. Mais, lui dis-je, elles sont toutes pratiquement asséchées ! Oui, me répond-il, mais pas en amont des fermes!!

En effet, la vallée est densément peuplée et couverte d’exploitations agricoles. Les fermiers ne se gênent pas pour pomper parfois toute l’eau des ruisseaux, ne se préoccupant nullement des conséquences pour la faune aquatique. J’ai bien l’impression qu’il faudra attendre une ou deux bonnes années avec beaucoup de neige et de précipitations pour que toutes ces rivières du Montana retrouvent leur attrait halieutique d’antan. Par ailleurs, je ne peux que conseiller les pêcheurs à utiliser des flotteurs ou de prendre un guide pour pêcher en barque car les endroits intéressants sont parfois éloignés et les accès à la rivière très limités par les propriétés privées. Comme adresse, je vous laisse celle du Fishaus (magasin de pêche) à Hamilton : fishaus@montana.com .

La Clearwater :                                 

Je reconnais que c’est à regret que j’ai quitté la Bitterroot mais il me fallait continuer vers l’Ouest si je souhaitais finir mon tour comme prévu. Comme on m’avait informé d’une grosse remontée de steelheads (cf. Colombie-Britannique), je m’y suis rendu pour tenter ma chance. La route passait par le col Lolo et longeait la Lochsa jusqu’à sa réunification avec la Selway à Lowell suivant le même chemin utilisé par l’expédition de Lewis et Clark et la tribu des Nez-Percés. A cette endroit, la rivière prend alors le nom "middle fork Clearwater river"

Il faisait toujours un temps radieux en ce début octobre de sorte que j’en ai profité pour faire de nombreuses photos, surtout dans la vallée de la Lochsa. C’est un des coins de pêche avec les vallées Selway et Kelly (plus au nord) qui sont réputés pour leur austère et sauvage beauté. Elles peuvent aussi être redoutables par de brusques changements atmosphériques et des chutes de neige inopinées en plein été. Lewis et Clark pourraient vous en dire long à ce sujet, eux qui souffrirent froid et famine pendant les douze jours nécessaires pour franchir ce col. Ce fut l’épreuve la plus éprouvante de tout leur périple.

                     Mrs. Doris S. Clymer

Une chose est certaine, ils n’auraient pas reconnu et probablement pas apprécié l’arrivée dans la région de Lewiston. En effet, un barrage à la hauteur de la ville ralenti considérablement le cours de la Clearwater et l’élargi. Juste en amont du barrage, une énorme usine de traitement du bois défigure affreusement le site et rend l’atmosphère nauséabonde. Cette odeur soufrée est présente toute l’année selon les habitants et j’avoue avoir difficilement pu m’y faire pendant mon séjour de trois jours. La ville est par ailleurs ennuyeuse à mourir, ce que m’ont également confirmé certains citoyens qui avouent qu’à part la pêche, la chasse et boire… il n’y a rien à faire ici. Heureusement que la patronne du petit motel central (« Travel Inn ») était très sympathique et que le restaurant « the Olive Pitt » servait des plats variés et réellement bons.

Mes trois jours de pêche furent tout à fait à l’image de ce cadre : ennuyeux. Pour être vraiment efficace, il m’aurait fallu une embarcation pour pouvoir pêcher aux endroits les plus profonds de la retenue où, m’avait-on dit, les steelheads se reposaient au frais. Sous ces derniers jours ensoleillés de la saison, je n’ai en effet pas vu l’ombre d’une truite mais pris, à ma grande surprise, des barbeaux à la mouche en plein dans les rapides !

Le site devait être magnifique à l’époque mais la trop forte densité humaine (Lewiston compte plus de trente milles hab.), la pollution industrielle, la proximité de la route, les allées et venues de hors-bords sur la rivière ont vraiment tué le charme du lieu. A moins d’être un fanatique de la pêche du steelhead et d’avoir réservé un guide muni d’un bateau, je vous déconseille de vous y rendre.

La Lochsa :                                        

Inutile de vous dire que c’est avec empressement que j’ai quitté cette vallée pour retourner à Lowell dans la vallée de la Lochsa. J’étais d’ailleurs si pressé que j’ai essuyé un contrôle de police car j’avais dépassé d’environ 20 km/h la vitesse autorisée, … et j’aime mieux vous dire que ces paroissiens-là ne sont pas commodes quand ils vous examinent de près. Mon statut de touriste et ma politesse m’a probablement permis d’échapper à une amende mais sachez qu’ici on ne plaisante pas avec les limitations de vitesse, par ailleurs fort basses dans ce pays.

Pour comble de misère, le ciel se couva et il commença à pleuvoir de manière presque continue. C’était certes la meilleure chose qui puisse arriver à l'environnement asséché mais avec le froid en plus, la pêche à la mouche perdit tout son attrait. Vraiment, je ne peux pas dire que j’aie bénéficié des meilleures conditions de pêche.

Je pris tout de même quelques belles « cutthroats » avec des mouches « adams » et « royal wulff » cal les sauterelles ont subitement disparues avec l’arrivée des premières gelées. A l’inverse de la Clearwater à Lewiston, je ne peux que recommander la pêche dans cette rivière ainsi que sa voisine la Selway avec cependant un bémol lié aux nombres importants de pêcheurs en été qui campent aux abords directs de la rivière. L’épicier de Lowell m’a informé que la Kelly est encore beaucoup plus sauvage et coule dans un environnement similaire à celle de la Lochsa. Ce sera pour une prochaine fois.

Comme hébergement, je conseille le « three rivers resort » : www.threeriversresort.com .

Silver Creek :                                     

En descendant vers le sud, je me rapprochais des rivières mythiques de l’Ouest américain : Silver Creek, Henry’s Fork, Madison, Yellowstone,… que voulez-vous de plus. Il me restait cependant moins de deux semaines avec ma voiture de location, donc pas question de traîner en route. Il m’a fallu cependant un bon jour pour rejoindre le village de Ketchum dans la Sun Valley (trad.: vallée du soleil).

Ce fut un itinéraire pittoresque longeant  sur une grande partie la rivière Salmon. Je me suis arrêté sur le site historique de White Bird où les Nez Percés livrèrent leur première bataille contre la cavalerie le 17 juin 1877 lors de leur longue marche vers la liberté. Les Indiens furent attaqués par le capitaine D. Perry avec deux compagnies de cavalerie et onze pionniers volontaires. Les Blancs perdirent trente-quatre soldats et deux volontaires, les Indiens personne ! Des panneaux en bordure du site expliquent en détail le déroulement de la bataille. C’était là le dernier clin d’œil de Chef Joseph dans mon tour.

J’ai suivi la rivière Salmon jusqu’à New Meadows (route 95) puis continué vers le sud sur la nationale 55 jusqu’à Banks. Là je me suis engagé sur une petite route sinueuse remontant la vallée de la branche sud de la rivière Payette jusqu’au cœur des montagnes rocheuses. Heureusement que je n’étais pas resté un jour de plus sur la Lochsa car les chutes de neiges des jours suivant m’auraient interdit ce chemin. La chaîne de montagnes en « dents de scie » (Sawtooth mountains) en contre-jour d’un coucher de soleil m’a laissé un souvenir magnifique de cette conduite.

La petite ville de Ketchum est une station de ski huppée crée en 1936 par Averill Harriman. C’était un fervent skieur en Europe et souhaitait doter les USA d’une station de ski bourgeoise similaire à celles qu’il avait fréquenté sur le vieux continent. Aussitôt dit, aussitôt fait. La station marchait très bien pendant les mois d’hiver mais se vidait dès la fonte des neiges en avril. Il invita alors Ernest Hemingway en septembre 1939 dans l’idée de promouvoir la pêche dans la vallée. Il paraît qu’il s’ennuya des truites, lui qui aimait se mesurer à d’énormes thons et marlins. Par contre, il prit beaucoup de plaisir à chasser des oies et des canards sauvages à Silver Creek (trad.: ruisseau argenté), quelques kilomètres au sud de la Sun Valley. Il aima tellement cela qu’il y revint chaque automne pendant vingt ans avec son jeune fils « Bumby ». Ce faisant, il transmit l’amour de cet endroit à son fils Jack qui oeuvra plus tard pour que ce petit bijou naturel soit protégé à jamais de toute construction humaine et reste un domaine public accessible à tous les amoureux de la nature.

C’est ainsi que sept milles fois par an, des pêcheurs tentent de persuader les truites les plus aguerries des USA à saisir leur mouche. Inutile de dire que toute les truites ont été prises une fois ou l'autre. Les Américains appellent ce plan d'eau "the graduate school of flyfishing" (école supérieure de la pêche à la mouche). Cela m'a rappelé la Loue chez Sansonnens (propriétaire d’une célèbre parcelle sur la Loue dans le Jura, très difficile à pêcher en raison des nombreux pêcheurs qui y viennent et du no-kill en vigueur).

J’avais lu le « River Journal : Silver Creek » de W. David Joye, 1993, avant de venir et rêvais depuis longtemps de me mesurer à ces truites. Je n'ai pu y pêcher qu’une journée car le jour suivant une tempête s’est levée rendant illusoire tout poser de ligne digne de ce nom. J’arrivais ainsi fébrile sur le pont de Kilpatrick et m’y arrêtais pour déceler la présence de truites en-dessous jouant à cache-cache avec moi. Comme il y avait déjà des pêcheurs, j’ai continué mon chemin jusqu’au centre d’information du site où je me suis gravement enregistré.

Je fus d’abord très étonné de constater que le domaine est plutôt petit et que la partie amont ne possédait que des truitelles en raison de cette maudite sécheresse. Le lac Sullivan semblait étouffer sous un épais lit de mousse de mauvais augure. Après une heure décevante de pêche, je suis revenu au pont de Kilpatrick. J’assistais à une chasse probablement d’une très grosse truite en aval mais l’endroit était hors d’atteinte en waders. Résigné, je pêchais à mes pieds à l’aval du pont et eu la surprise et probablement la chance de prendre avec une nymphe tressée verte une belle truite brune qui fit demi-tour de sous le pont pour s’en saisir. Les autres pêcheurs en furent tout surpris et l’un eu la gentillesse de prendre quelques photos de la scène. Elle accusait le kilo dans ma filoche et je la laissais filer avec émotion. Plus tard dans la soirée, je discutais avec Steve - un pêcheur habitant le coin - qui me dit qu’en fin de saison et sans flotteur, il est rare de prendre une belle truite dès son premier jour de pêche, surtout cette année qui était désastreuse pour tout le monde.

En soirée, j’ai eu beaucoup de plaisir à visiter Ketchum qui ressemble plus à nos villages alpins comme Zermatt, Gstaad ou Cran Montana que n’importe quelle ville américaine. Evidemment, tout est aussi très cher. Certaines rues portent des noms de pierres précieuses mais savez-vous comment s’appelle la montagne skiable la plus proche ? « Dollar mountain », de même que les remontes-pentes et la cabine de départ. On n'est pas aux USA pour rien.

Si vous passez néanmoins par-là, je vous recommande de visiter le magasin de pêche « Silver Creek outfitters » (www.silver-creek.com ) car les vendeurs sont exceptionnellement agréables et aidant. Par ailleurs, vous pouvez aussi louer un flotteur à cet endroit.

Comme motel, je recommande le « Lift Tower Lodge » (tél : 208 726 5163) qui serait l’un des meilleurs marché et son gérant est sympathique.

Henry's Fork :                                   

Le jour de mon départ, la vallée du soleil me réservait une surprise. Il avait neigé pendant la nuit et  une fine pellicule blanche recouvrait les montagnes environnantes. Ketchum paraissait féerique dans son nouveau manteau d’hiver. Mais pour moi, c’était le signal très clair qu’il ne fallait pas traîner si je voulais arriver sans incident sur les hauteurs de West Yellowstone dans la soirée.

En route, je fis une dernière fois mes adieux à Silver Creek, bien esseulée sous cette basse pression barométrique. Plus loin, je traversais un gigantesque champ de lave surnommé à juste titre le « cratère de la lune » et classé monument national. C’est à partir de cet endroit que le temps s’est gâté. D’énormes nuages et chutes de neige obstruaient l’horizon pendant que ma voiture était secouée par de fortes rafales de vent. Je réussis cependant à échapper à l’enneigement mais il s’en est fallu d’une demi-heure. Je plaignais les automobilistes qui me croisaient et s’enfonçaient tout droit dans la tempête. Je ne crois pas que j’aie vu une scène météorologique aussi saisissante en Europe. Et ce que je craignais arriva : les cent derniers kilomètres étaient recouverts de neige, les premières de la saison.

Par contre, je n’ai eu aucun problème à trouver un motel bon marché car West Yellowstone était vidée de ces touristes. Je peux vous recommander le « Lazy Motel » (lazyg@wyellowstone.com ) simple, bon marché, central et la patronne est sympa.

Il faisait un froid de canard le jour suivant et les routes étaient verglacées. Et bien c’était néanmoins ce jour-là que j’ai choisi pour aller visiter le musée des Rockies ( www.museumoftherockies.org ) à Bozeman et retrouver une des plus grandes collections d’os de dinosaures du Montana. Je vous invite à lire aussi « infos dinosaures » inclus dans le journal de Colombie-Britannique. C’est quand même quelque chose cette passion car je ne suis pas sûr que beaucoup d’entre vous auraient pris le risque de conduire les deux cents kilomètres me séparant de ces chers vieux os fossilisés. Ceci dit, cette visite est un « must » si vous êtes dans la région car vous remonterez les ères géologiques depuis la création de l’univers suite au big bang jusqu’à notre époque actuelle. C’est un musée très didactique et bien conçu qui a aussi le mérite d’épouser des proportions humaines.

Si vous êtes un fan d’informatique, sachez que Bozeman recèle également l’un des meilleur musée de l’ordinateur ( www.compuseum.org ) de toute l'Amérique. Il était malheureusement trop tard pour que j’y aille.

Avec ce sol recouvert de neige, le froid, des journées plus courtes et surtout ces déprimantes eaux basses, mon intérêt pour la pêche était déclinante. Je me suis quand même efforcé à une journée de pêche sur la Henry’s Fork, ne serait-ce que pour me rappeler des bons moments de 1999. A ma grande surprise, il y avait encore quelques passionnés à « Canyon Box » mais le niveau de l’eau était incroyablement bas. Certains coutumiers du coin n’avait jamais vu cela depuis qu’ils venaient ici. Je pris tout de même quelques « whitefishes » et deux truites à la nymphe en deux heures. Puis je me suis rendu à « Last chance » où il n’y avait personne dans l’eau. A ma grande surprise, aucune truite habituellement postée proche de la berge ne trahit d’une vague sa fuite à mon passage. La rivière paraissait léthargique  et les truites alanguies par le gel.

Je continuais ma prospection en aval et constatait à regret que la pêche était déjà fermée dans le fameux « pool du millionnaire » du parc d’état Harriman. Je me suis finalement résigné à pêcher des gobages de « whitefishes » en aval d’un pont, tout en admirant un splendide couché de soleil.

Le soir-même, j’étais invité de suite chez Michel Fontan avec lequel nous nous sommes remémorés nos excellentes parties de pêche deux ans auparavant. Il me confirma que la saison avait été dramatique cette année et que suite à la tragédie du onze septembre, beaucoup d’Américains avaient annulé leurs vacances ici. Du coup, plusieurs magasins de pêche ont fermé plus tôt. Comme il devait partir prochainement pour la France en passant d’abord chez un ami à Livingston dans le Montana, il me proposa de le suivre et que nous allions pêcher ensemble dans le parc Yellowstone les prochains jours.

Parc national du Yellowstone ou le sanctuaire des montagnes Rocheuses :

Moins spectaculaire que les Galápagos, ce parc national garde cependant une place privilégiée dans ma mémoire. Rares sont les endroits au monde qui mélangent beauté des paysages, richesse de la faune et intérêt pour sa géologie. Les Américains y étaient aussi sensibles puisqu’ils protégèrent cet environnement en le classant parc national le 1er mars 1872, le premier espace naturel protégé de la sorte sur notre planète (cf. « infos divers »).

L’histoire de cette région est plutôt tourmentée. Il y a 65 millions d’années, les dinosaures patrouillaient cette espace à la lisière d’une mer qui coupait en ce temps l’Amérique du Nord sur toute sa longueur (cf. carte à « infos dinosaures » journal Colombie-Britannique). L’ère géologique suivante – le tertiaire ou cénozoïque – connu la formation des montagnes Rocheuses accompagnées d’une intense activité volcanique dont les geysers et autres activités géothermiques sont les témoins actuels. Cette activité volcanique se calma pendant des millions d’années avant de reprendre de plus belle il y a une dizaine de millions d’années. La dernière gigantesque éruption eu lieu il y a environ 600 000 ans  et fut 2 500 fois plus puissante que celle du Mont St Hélène et 200 fois plus forte que l’éruption du Krakatoa en 1883 ! L’effondrement de son cratère est à l’origine de l’immense caldeira où se situe aujourd’hui une bonne partie du parc.

Après ce façonnement géologique par le feu, suivit un polissement de la croûte terrestre par trois périodes glaciaires successives, la dernière ayant eu lieu il y a 12 000 ans. La fonte de la calotte glaciaire – dont l’épaisseur pouvait atteindre mille mètres – est à l’origine du lac Yellowstone et d’importants dépôts sédimentaires.

Comme si cela n’était pas suffisant, la région subit encore un puissant tremblement de terre en 1959 (force 7,1 à l’échelle de Richter) et un énorme incendie pendant la  dernière décennie qui dévasta plus du tiers des forêts du parc.

Paradoxalement, la flore et la faune semblent avoir largement bénéficié de ce remue-ménage géologique puisqu’elles sont restées parmi les plus riches et préservées des Rocheuses américaines. Par exemple, c’est ici que l’on a retrouvé les derniers bisons – moins de mille – au début du siècle passé après le massacre de plus de 40 à 60 millions d’entre eux ! (oui, vous avez bien lu) en moins de septante ans (cf. "infos divers"). De même, ce site a aussi servi de dernier refuge pour les wapitis et les grizzlis quand la chasse était pratiquée de manière incontrôlée. Les Indiens eux-mêmes étaient peu nombreux à vivre sur ces plateaux élevés à 2'500 mètres en moyenne et inhospitaliers pendant les rudes mois d'hivers. Pour toutes ces raisons, permettez-moi de surnommer ce parc national le sanctuaire des montagnes Rocheuses. A défaut  d'être des zélés paroissiens, sachons au moins en être de dignes gardiens.

        

Les récits des premiers trappeurs du XIXe siècle ne furent pas pris au sérieux par leurs contemporains, ce qui retarda d’autant notre présence sur ce site. Entre 1869 et 1871, trois explorations scientifiques analysèrent, nommèrent et photographièrent ces plaines et vallées. Leurs révélations au monde de la fascinante et unique beauté dans son genre de cette région s’accompagna d’une lueur de lucidité – oh miracle - quant à l’utilité de la protéger de l’avidité des pionniers. C’est ainsi que fut rapidement créé le premier parc national au monde en 1872 (cf."infos divers"). Depuis cette date, le parc a fait la joie des visiteurs comme en témoignent les photos du musée de West Yellowstone. Comme pour d’autres sites que j'ai visité, je m’interroge néanmoins sur la surfréquentation humaine si l’on tient à  préserver ce biotope unique pour les générations futures. Quand on sait que plus de 2 millions de visiteurs par an transitent ici pendant l'été, vous avouerez que la question se pose.

           

Bien que ce parc national fut créé dans le but de protéger ce site, la pêche a toujours été pratiquée ici comme en témoignent les photos ci-dessous. Cette activité était même si populaire que cela en appauvri la faune piscicole. C'est à ce stade que des guides de pêche locaux incitèrent leurs clients à relâcher leurs prises dans l'eau : la pratique du "no kill" était née. A noté que comme aujourd'hui, la pêche à la mouche avait déjà de nombreux adeptes. Nul doute cependant qu'à cette époque les rivières étaient plus saines et regorgeaient de truites mieux nourries et plus nombreuses que de nos jours.

                       

Pour ma part, je reconnais avoir toujours vécu mon passage sur cette terre comme un  privilège car, à l’instar des Galápagos, les animaux ne sont pas trop craintifs à l’approche de l’homme et leur proximité renforce mon sentiment d’appartenance à leur univers. A ce niveau, je le répète, c’est un immense avantage que de pouvoir sortir des sentiers battus et traverser des rivières pour pêcher et surtout fuir la foule quand on cherche à s’harmoniser avec l’environnement. J’ai particulièrement ressenti cet état de grâce cette année en raison du peu de touriste présent à la fin de la saison. 

Comme il y a deux ans, Michel et moi avons remonté et pêché la Madison. Enveloppé dans son manteau d'hiver, elle coulait paisiblement au pied des collines. Quelques rares pêcheurs partageaient cette sérénité à son chevet. Deux truites, ma fois fort belles, me firent l'honneur de saisir mon streamer. Il est vrai que c'est la saison où elles remontent les cours d'eau pour frayer et que l'on peut avoir de grosses surprises. 

Plus en amont encore, la Firehole nous réserva le spectacle de nombreux gobages qu'un fort vent nous empêcha d'attaquer proprement. Il est vrai que son cours bénéficient de l'écoulement permanent des sources d'eaux chaudes ce qui retardent la fin des éclosions. Près de là, un troupeau de bisons broutaient me rappelant leur proximité deux ans auparavant lors des parties de pêche (cf. page "photos"). Oui, il ne fait aucun doute que ce plateau volcanique alimente un subtil équilibre biologique qui apporte sa part de sérénité à celui qui y est sensible. C'est là toute la magie de ce lieu.

Trois jours plus tard, nous avons remonté la "Paradise Valley" depuis Livingstone, puis la rivière Lamar et enfin le chemin caillouteux menant au camping déserté de Slough Creek. Je fus pris d'une étrange émotion mélancolique en revoyant cette rivière étonnamment calme en raison de l'absence de touriste et de son cours lent où aucune truite n'était visible. C'est pourtant ici que deux ans auparavant une monstrueuse "cutthroat" se jeta à deux reprises sur une petite truite d'une quinzaine de centimètres qui s'était saisi de ma mouche. Nous étions absolument seuls maintenant à ressentir le poids du silence. Jamais le terme de pèlerinage n'a pris autant de sens qu'ici. Là aussi les photos seront certainement plus parlantes qu’un long texte.

        Madison                    Slough Creek

Les informations sur le parc sont tirées de deux guides touristiques : "Yellowstone explorers guide" de Carl Schreier, Homestead Publishing, 1983; et de "Yellowstone National Park" publié par Michael D. Yandell, National Parks Division of World-Wide Research and Publishing Co, 1976.

La Boulder :                                        

Comme convenu, j’ai suivi Michel à Livingston et dormi quelques nuits chez ses amis. Ce fut l’occasion de passer d’excellentes soirées à discuter et à l’écouter jouer de la guitare. Après plusieurs semaines sans discussion en français, je peux dire que ces  jours m’ont vraiment fait du bien. J’en ai aussi profité pour visiter le musée de la pêche à la mouche où sont exposées d’impressionnantes collections de tableaux, de matériels divers et de mouches dont certaines figurent aux têtes des paragraphes de ce journal.

Nous sommes aussi partis pêcher un jour sur la Boulder, une petite rivière prenant sa source dans la forêt nationale de Gallatin juste au nord du parc du Yellowstone. Méconnue, elle est cependant très appréciée des pêcheurs locaux. Ce n’est certes pas là que vous prendrez un monstre mais vous apprécierez certainement le charme bucolique de ces lieux.

         

Malheureusement, la partie la plus intéressante à pêcher se situe dans des propriétés privées interdisant tout accès à la rivière. J’en viens à regretter la Suisse où cette situation ne serait pas possible puisque tous pêcheurs munis de son permis de pêche a le droit de passer sur un domaine privé pour exercer son activité dans des eaux du domaine public. A bien y réfléchir, je me demande si la possession de grandes étendues de terre non cultivées, mais cependant minutieusement clôturées, à vraiment un sens. J’admets que l’on souhaite un espace privé faisant partie de son chez soi où que l’on protège le fruit de son exploitation agricole et son bétail mais ici ces propriétés appartiennent à des gens aisés qui n’en font rien de spéciale. Je peux comprendre que cette attitude ait pu choquer les Indiens, et que penser des animaux sauvages qui parfois se blessent en sautant par-dessus ces fils barbelés.

             

Les eaux étant trop basses en amont et la rivière inaccessible en aval, nous nous sommes résolus à ne faire qu’un petit tour de visite. Il y a notamment une arche rocheuse  qui surplombe la rivière qui elle-même disparaît dans les rochers en contre-bas. A cet endroit, des fossiles de coraux sont visibles témoignant de la présence de la mer à l’ère mésozoïque, mais cela vous le savez déjà.

La vallée du Paradis :                     

Voilà la deuxième révélation de mon circuit halieutique après la Missouri. Cette vallée mérite bien son nom. En effet, la rivière Yellowstone en provenance du parc du même nom coule ici librement, ce qui reste plutôt rare aux USA pour une rivière majeure. En plus d’avoir gardé son aspect naturel, elle est richement dotée en insectes aquatiques et par conséquences aussi en truite de belles tailles. Par ces mois de sécheresse, je peux vous dire que c’était une des rares rivières en laquelle j’ai cru du premier coup d’œil.

Je l’ai pêchée à différent niveau depuis Livingston jusqu’à quelques kilomètres en aval de sa sortie du parc, au nord de Gardiner. Comme il y a deux ans où je l’ai pêchée dans le parc, elle m’a donnée beaucoup d’émotions et de plaisir, pas seulement par la quantité honorable de prises mais aussi par la beauté des sites. Pour moi, cet aspect est presque aussi important que la capture de poissons. Il faut dire que les paysages étaient féeriques avec ces arbres aux feuilles jaunies, ces montagnes saupoudrés des premières neiges et surtout ce ciel d’automne donnant la réplique aux couleurs terrestres.

Parce que c’est vous et uniquement pour cette raison, je veux bien vous concéder un petit secret que m’a transmis Michel. Cette rivière possède un vrai petit trésor : Armstrong Spring Creek. Dans le style de Silver Creek, cette petite source s’écoule au sud de Livingston à l’intérieur de propriétés privées qui la protège. Certes, il faut réserver longtemps à l’avance sa place pour y pêcher et payer environ70 $/jour si mes souvenirs sont bons, mais là vous êtes garanti de pêcher dans des eaux translucides très richement pourvues en truites bien grasses et partager le site avec un nombre limité de pêcheur (une dizaine). Leur capture n’en reste pas moins technique car elles sont plus qu’éduquées à nos traquenards.

Une bonne idée consisterait à réserver deux ou trois jours de pêche ici et de tenter le coup sur la Yellowstone et la Boulder le reste de la semaine, voir même de s’aventurer dans le parc national Yellowstone pour pêcher Slough Creek, la Lamar et j’en passe. Comme vous pouvez le constater, ce n’est pas les opportunités qui manquent dans ce coin restreint des USA.

Dans le même style que la Missouri, j’ai aussi entendu beaucoup de bien de la Big Horn et de ses truites géantes à l’Est, proche du champ de batailles où Custer et les siens se sont fait décalotter (le crâne bien sûr !). Une fois là, rien n’empêche de faire un saut à Cody pour visiter le « Buffalo Bill Historical Center ». Il paraît que la ville ne manque pas de charme non plus. En ce qui me concerne, le temps m’a manqué mais ce n’est que partie remise.

Quelle qu’en soient vos projets, je ne peux que vous conseiller de vous informer à l’avance pour connaître l’état des rivières et éventuellement procéder à des réservations de date ou de guides de pêche munis d’embarcations. Pour cela je vous donne deux adresses situées à Livingston : Dan Bailey’s Fly Shop : info@dan-bailey.com , www.dan-bailey.com et International Fly-Fishing Center : iffceducation@fedflyfishers.org 

Une fois n’est pas coutume, je vais vous raconter une belle histoire. Je la tire d’un livre de Mike Crockett et Grand McClintock (photos) préfacé par Jack Hemingway : « Flywater », Lyons & Burford, 1994.

Mike raconte dans l’introduction l’apport que lui a donné la pêche à la mouche qu’il pratique dans la région qui nous intéresse. A passé trente-cinq ans, la vie lui souriait : « les affaires prospéraient, j’avais une belle femme, deux grands enfants et un en route, une maison de vacance en montagne, des amis formidables, juste tout ce que j’ai toujours voulu et encore plus que j’en attendais. » Mais voilà que la même semaine que naissait sa fille, son médecin lui annonçait un cancer mortel. Cela se passait huit ans avant la parution du livre.

Suivant les conseils de son médecin, il mit ses affaires en ordre et un terme aux activités qu’il faisait par habitude sans y trouver le même plaisir d’antan. Par contre, il débuta la pêche à la mouche renouant ainsi avec ses souvenirs d’enfance. Alors qu’il subissait une demi-douzaine de chimiothérapies et plusieurs opérations chirurgicales, il constatait que la pêche lui permettait de s’évader de ses angoisses quotidiennes et d’oublier momentanément les effets secondaires liés aux traitements (douleurs, nausées, …).

Comme ces traitements ne vinrent pas à bout de son cancer et qu’il développa une résistance aux médicaments, il lui resta une dernière chance avec un traitement d’anticorps monoclonaux spécifiquement préparés pour lui pendant les trois années précédentes au Centre Médical Universitaire de Standford. Malheureusement, cette préparation d’anticorps ne réagissait plus avec ses cellules cancéreuses de sorte que ce traitement de la dernière chance fut interrompu.

Il décida alors avec sa femme de passer ses derniers mois à faire que de la pêche à la mouche. Et le miracle se produisit car après deux mois de pratique de cette activité, il allait mieux et suivant les encouragements de son médecin, il ne cessa de pêcher depuis lors. De là à affirmer que la pêche est un traitement anti-cancéreux, il y a évidemment un pas que l’auteur se garde bien de faire. Par contre, il dit ceci : « la pêche à la mouche, plus que toute autre activité, a libéré mon esprit et nourri mon âme. Et je sais que le temps passé à la rivière m’a souvent procuré un profond sentiment de bien-être – ce sentiment d’être enraciné dans le présent sans aucuns besoins et soucis pour le futur. » (La traduction est de ma responsabilité.)

Conclusion :

Il est difficile de faire un bilan d’un circuit où se mêle tant de surprises et de découvertes variées. Si je me concentre sur l’aspect de la pêche, il est évident que la sécheresse a considérablement diminué la qualité halieutique des rivières mais ce désagrément a été largement compensé par la beauté des paysages et un beau temps presque indéfectible.

Ce circuit m’a permis de renouer avec de bons souvenirs comme ce fut le cas dans le parc Yellowstone. Le plus important reste cependant la découverte de nouvelles rivières, la collection d’adresses de magasins de pêche, de guides et de motels qui me permettront  de bien préparer un prochain voyage.

Je me suis aussi rendu compte de l’importance d’avoir une embarcation pour descendre un cours d’eau et pêcher les meilleurs endroits se situant parfois dans des propriétés privées ou tout simplement inaccessibles à pieds.

Quand on connaît le coût d’un voyage de pêche et de la location d’une voiture, on comprend l’importance de connaître le réseau hydrographique d’une région et ses subtilités pour pouvoir s’adapter immédiatement à toute modification des rivières liées à des crues, la sécheresse, la pollution ou tout bêtement à une surfréquentation d’un coin comme c’est hélas trop souvent le cas pendant la saison estivale.

En analysant ce circuit, je me rends compte que j’ai découvert deux « valeurs sûres » avec la Missouri et la Yellowstone qui mériteraient d’être pêchées de manière plus extensive en flotteur. La Big Horn est probablement à mettre dans ce lot mais je n’ai pas eu le temps de la voir.

Il m’apparaît aussi que cette région entre West Yellowstone, Butte et Livingston en incluant le parc Yellowstone est véritablement le triangle d’or de la pêche à la mouche en raison de la diversité des rivières qui y coulent et leur proximité. Il est vrai qu’elles souffrent d’une trop forte affluence de touristes en été à mon goût.

J’ai aussi entendu parler de la rivière Smith au sud de Great Falls qui a l’avantage d’être peu accessible en voiture et se pêcher principalement en rafting sur cinq jours. Son cours traverse un défilé de falaises paraît-il de toute beauté. Des rafts organisés existent pour les pêcheurs. Il y a de fortes chances que j’expérimente cela une fois.

La pêche, c’est bien, même très bien, mais vous ne saurez pas surpris si je prêche cependant pour la polyvalence des activités. Je suis convaincu à ce jour que le succès de mon tour est aussi dû à mon intérêt pour l’histoire des Indiens d’Amérique du Nord ainsi que pour le passé géologique et biologique de ces lieux. Nul doute qu’un jour vous me verrez à quatre pattes dans un camp de paléontologie à brosser les restes fossilisés d’un dinosaure !

Si la culture américaine ne possède pas de vieilles pierres à offrir aux touristes comme dans le bassin Méditerranéen où dans les Andes, il n’en reste pas moins que je suis fasciné par la culture amérindienne qui mériterait que nous y réfléchissions un peu plus. Il n’est pas dans mes habitudes d’aller jouer au touriste dans une réserve, mais il reste encore beaucoup de musées et de livres sur ce sujet et les Indiens d’Amérique du Nord revendiquent maintenant ouvertement leur droit à la différence à l’occasion de manifestations annuelles publiques.

Restent les Américains eux-mêmes. Ma foi, j’ai eu peut-être la dent dure contre eux. Il y a de quoi quand on sait comment on y mange. Mais qu’on ne s’y trompe pas, mes critiques se portent surtout sur leur histoire et leur mode de vie actuelle et non sur les personnes rencontrées. En effet, ces dernières provenant de tous milieux sociaux m’ont plutôt surpris en bien par leurs auto-critiques de leur société et étaient d’un contact fort agréable et aidant. J’ai été très impressionné par leur élan de solidarité envers les victimes des attentats terroristes et leur sens du patriotisme. Je ne suis pas sûr que nous aurions réagi aussi vivement en Suisse suite à des actes terroristes d’une telle ampleur. Je n’ai eu à déplorer aucune mésaventure dans mes rencontres, que cela soit ici ou dans le reste de l’Amérique du Nord (Alaska et Canada inclus), pas plus que dans tout mon voyage d’ailleurs.

Amis lecteurs, j’espère surtout vous avoir divertis et dépaysés le temps d’une lecture et que ses tableaux de transposition jouant à saute-mouton entre ères géologiques ne vous a pas donné le vertige.

H e l e n a

  

  

  

    

  

  

   

    

  

M i s s o u r i

  

  

 

  

  

  

  

  

  

   

 

 

   

 

  

  

  

  

  

  

  

    

  

G r e a t  F a l l s

    

    

  

  

  

  

  

  

 

 

 

  

B l a c k f o o t

  

  

  

  

  

  

  

   

  

  

  

   

  

  

  

  

   

  

  

G a r n e t

  

R o c k  c r e e k

   

  

  

  

  

    

  

    

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

    

  

  

  

  

   

  

B i t t e r r o o t

  

  

  

    

  

  

  

  

  

  

  

  

  

   

  

  

  

  

  

  

    

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

    

  

  

  

C l e a r w a t e r

 

 

  

  

 

    

  

  

  

  

L o c h s a  

 

  

  

Silver  Creek

  

  

  White Bird

  

rivière Salmon

Sawtooth mtns

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

 

    

    

Henry's  Fork

  

  

    

   

  

Parc Yellowstone

    

  

  

Madison

  

  

    

  

  

  

  

B o u l d e r

  

  

  

   

La vallée du Paradis  

  

  

  

  

 

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

 

   

  

  

  

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