SOMMAIRE :
- Helena
- La Missouri
- Great Falls
- La Blackfoot
- Garnet, ville fantôme
- Rock Creek
- La Bitterroot
- La Clearwater
- La Lochsa
- Silver Creek
- Henry's Fork
- Parc national du Yellowstone ou le
sanctuaire des montagnes Rocheuses
- La Boulder
- La vallée du Paradis
- Conclusion

Helena :
Je suis arrivé à Helena
le dix-neuf septembre avec un vol presque vide de passagers en raison des
évènements du onze du même mois. Il faisait grand beau de sorte que
j’ai pu observer le relief du Montana et constater qu’il ne
correspondait pas à l’idée que je m’en étais fait. En effet, vu
d’en haut, je n’ai point aperçu de montagnes escarpées et enneigées
comme en Alaska ou en Colombie-Britannique mais plutôt des collines
peu boisées au teint jaune pâle rappelant l’aspect d’une terre
aride. Ma première impression m’a été rapidement confirmée dans un
magasin de pêche où l’on m’a dit que le Montana et ces environs
souffraient effectivement d’une sécheresse jamais vue depuis
septante ans ! Les prairies des grandes plaines des Rocheuses sont
cependant habituellement jaunies par le dessèchement à la fin de
l'été.
Helena est une petite ville de
quelques dizaines de milliers d’habitants et cependant la capitale du
Montana. Son architecture a su garder l’humilité et la discrétion à
l'image de cet Etat. Point de gratte-ciel arrogant ou de bruyantes
artères routières ici mais un centre ville qui témoigne encore l’époque
des pionniers et des premiers établissements du XIXe siècle.
J’ai aussi été étonné
d’avoir été conduit par le même chauffeur de taxi pour les six
trajets où j’en ai eu besoin alors que j’appelai à chaque fois la centrale :
c’est dire combien cette cité respire la province. Tout semble si
calme ici et même déraisonnablement mort les week-ends. Figurez-vous
qu’il n’y a même pas de cybercafé car, paraît-il, ce n’était
pas rentable, alors que les dix ordinateurs de la bibliothèque étaient
pris d’assaut selon une liste déjà remplie pour la semaine. En
chemin, il m’était difficile de ne pas tomber sous le charme des cafés
au décor rappelant les westerns.
A l’image de leur ville,
j’ai trouvé les gens absolument charmants et soucieux de m’aider au
maximum. La plupart ont pris le temps de discuter avec moi et ont été
indulgents envers mes fautes de langue. Je tiens à spécialement
remercier Nick et Jami - vendeurs au magasin de pêche
« Cross Currents » - pour leurs conseils et leur
disponibilité. C’est grâce à eux que j’ai pu planifier
intelligemment mon itinéraire en fonction de la saison et de la sécheresse,
et je peux vraiment dire qu’ils m’ont vraiment bien conseillé
jusque dans les moindres précisions topographiques et détails de pêche.
Comme ce magasin est également spécialisé dans le matériel de pêche
à la mouche et qu’il est bien situé, je n’hésite pas à vous
donner ses coordonnées : www.crosscurrents.com
.
En regardant mon itinéraire,
vous constaterez que je me suis d’abord déplacé vers l’est pour
arriver au col de « Lolo Pass » avant les premières tombées
de neige qui m’auraient fermé le chemin. Je me suis ensuite rendu à
Clearwater dans l’espoir d’y pêcher un steelhead, puis vers le sud
pour rejoindre la vallée du soleil et le mythique « Silver Creek ».
Mon tour a pris fin avec le parc Yellowstone. A ce stade, je ne savais
évidemment pas toutes les rencontres et découvertes que j’allais
faire, mais j’avais en tout cas la ferme intention de profiter de mon indépendance
pour visiter quelques musées. J’espère vraiment que mon
journal pourra vous inspirer dans la planification de votre propre tour
et vous sensibiliser à d’autres réalités que purement halieutiques.
Dans ce sens, la visite du
« Montana Historical Society Museum » me fut
absolument profitable car il m’a ouvert les yeux d’une part sur l’expédition
de Lewis et Clark, dont je suivais en partie l'itinéraire, et
d’autre part sur les artistes peintres C.M. Russel et O.
Setzler qui ont figé sous leurs pinceaux avec respect et amour
plusieurs aspects de la vie des Amérindiens de cette région.
D’autres pièces du musée exposent des objets relevant de leur
culture.
J’avoue avoir été sous le
choc de constater mon ignorance quant aux évènements qui jalonnèrent la conquête de l’Ouest.
Saviez-vous que les premiers pionniers n’arrivèrent que vers 1810 ?
Que les premières « villes » ne furent érigées qu’aux
alentours de 1850 – 60, notamment au moment de la ruée vers l’or ?
Que les guerres indiennes eurent lieu jusqu’en 1890 !? Rarement
je me suis senti aussi peu au courant sur un sujet que je pensais connaître,
tout du moins un petit peu. C’est la raison pour laquelle je me suis
décidé à faire le détour à Great Falls pour y visiter le musée de
Lewis et Clark et celui de C.M. Russel. Je ne peux qu’encourager les pêcheurs
à visiter un de ces musées, par ailleurs fort bien conçus et de
proportion raisonnable, ne serai-ce que pour ne pas mourir plus idiot
qu’on ne l’est. Je ne résiste pas à souligner à nouveau la
jouissance de la liberté que mon indépendance m’a procuré dans ce
tour. Nul besoin d’ergoter cent-six heures un changement de programme :
j’exauçais mes désirs et mes envies devenaient réalité !
La Missouri :

Si
vous discutez avec des pêcheurs européens du nord-ouest américain,
ils vous aligneront certainement une série de noms de rivières
mythiques comme la Henrys Fork, Silver Creek, La Madison etc … Quelle
ne fut donc pas ma surprise quand Nick et Jami me convinrent de passer
quelques jours au bord du Missouri ! Cette grande rivière,
pensais-je, ne peut être qu’ennuyeuse à pêcher à la mouche et
polluée de surcroît. Eh bien pas du tout et je dirai même que sa
pêche a été une révélation pour moi.
Cette rivière a en effet un
secret qui la rend très attrayante et connue des pêcheurs locaux. Elle
possède une succession de barrages dans la vallée - région nommée la « porte
des montagnes Rocheuses » - entre Helena et Craig qui régularise
son cours et maintient son eau fraîche et claire en toute saison,
raison pour lesquelles elle est surnommée « big spring creek »
( trad.: grande source). Bénéficiant de ces conditions
exceptionnelles, les insectes aquatiques pullulent et la faune piscicole y
est abondante et en bonne condition. Comme si cela ne suffisait pas, elle coule
dans un cadre naturel sauvage offrant un défilé de paysages bucoliques
aux pêcheurs la naviguant
en barques ou sur
flotteurs.
A
peine arrivé à Craig que Valentin m’accueilli à l’entrée
d’un des magasins de pêche. C’est peut-être bien la plus
grosse surprise de tout mon voyage car je ne savais absolument pas
qu’il était ici et lui n’était pas au courant de mon voyage.
Valentin était l’un des guides argentins que j'ai rencontré au
lodge Yrigoyen en Terre de Feu en 1999. Nous avions à
cette occasion beaucoup discuté et sympathisé. Je dois reconnaître
que j’ai été pris d’une grande émotion quand nous nous sommes
serrés dans les bras. Vous aurez certainement l’occasion de lire
mon journal au sujet de ce voyage d’ici quelques mois. Pour
l’instant, il me parla de ses projets, de la pêche ici mais aussi
des difficultés de son pays. Il devait malheureusement rentrer le
jour suivant en Argentine de sorte que nous n’avons
malheureusement pas eu l’occasion de pêcher ensemble mais nous
nous sommes promis de remettre cela à une prochaine fois.
Craig
est un tout petit village mais il y a probablement plus de magasins de pêche
que l’ensemble des autres commerces réunis ! Si vous êtes intéressé
par ce lieu, je vous conseille vivement de réserver votre chambre à
l’avance. Bien que la saison était avancée quand je suis arrivé, j’ai
tout de même trouvé un lodge à prix abordable à Wolf Creek avec l’aide
de Valentin. Leurs coordonnées sont les suivantes : « Missouri
river trout shop » à Craig : flyshop@thetroutshop.com,
www.thetroutshop.com et
« Wolf creek outfitters » à Wolf Creek : www.wolfcreekoutfitters.com
. Il y a d’autres adresses mais vous devriez vous débrouiller avec
celles-ci.
J’ai
passé quatre jours dans la vallée du Missouri, pêchant entre
l’aval du barrage Holter et Deaborn. Je crois que les photos de
droite et de la page « photos » vous donnerons une idée
de la beauté des sites. Ce furent mes plus belles journées de
pêche de mon circuit et les truites étaient toutes de
belles tailles avec une moyenne de un kilo au peson de ma
filoche. Je les ai prise principalement en nymphe dans les rapides,
aux streamers dans les endroits plus profonds et en sèche le soir.
Il y avait certes des gobages pendant la journée mais généralement
inaccessibles même en
waders.

Par
contre, aussi incroyable que cela puisse paraître, des truites de trente à
quarante centimètres se tenaient à moins d’un mètre de moi en aval,
guettant les larves délogées sous mes pieds. Elles se jetaient alors littéralement
dans mes waders quand elles en apercevaient une. Elles étaient si proches de
moi qu’il m’était impossible de leur faire passer correctement ma nymphe.
Si telle avait été le cas, je vous laisse imaginer la « pêche à vue »
miraculeuse que cela aurait donné. Pensez aussi à la frustration des pêcheurs
qui vivaient quotidiennement ce spectacle ! Je ne connais aucune rivière
possédant autant de qualités en Europe. Seriez-vous assez aimable de me le
faire savoir si vous en connaissez une ?
Sur
le chemin du retour, j’ai eu la surprise de voir un homme et une femme
scruter intensément une coupe pour la route dans les sédiments rocheux. C’est tout de même pas aux USA que l’on peut découvrir de vieux
tombeaux, non ? Quand je leur demandais ce qu’ils faisaient, ils me répondirent
qu’ils cherchaient des fossiles !
La
lecture du livre de Jack Horner « Dinosaurs under the big sky »
m’apprit que cette région est riche en restes fossilisés de dinosaures du
Crétacé. Je ne peux m’empêcher de me représenter ces grands troupeaux de
triceratops aux aguets d’un groupe de Deinonychus pendant qu’un Tyrannosaurus rex festoie en solitaire
l’un des leurs. La mer n’était par ailleurs pas loin et regorgeait de
poissons que de lestes plésiosaures pourchassaient pendant que des ptérodactyles
tournoyaient dans les airs. N’entendez-vous pas leur cris ? Si ce
n’est pas le cas, je vous invite à relire l’ « infos dinosaures » du journal de Colombie-Britannique. Les représentations de
ces époques ci-contre de Karen CARR ( www.thefernleaf.com/merchant2
) peuvent également vous aider dans cette effort de
transposition.
J’avoue
que j’envie un peu les paléontologistes qui lisent dans les couches
géologiques pour retrouver des restes fossilisés d’une époque d’un
autre âge et flirtent de leur imagination avec ces titans maintenant
disparus. C’est encore un autre moyen de se rapprocher de la mère nature,
mais cette fois-ci en arpentant les collines ravinées et désolées des
« badlands », seul endroit laissant les couches sédimentaires facilement accessibles
au regard.
A
propos de paléontologie, savez-vous que le touristes peuvent, sous la
houlette d'un spécialiste, se livrer à cette passion ? Il existe en effet
des expéditions de recherches, d'extraction et d'identification d'os ou d'œufs
fossilisés de dinosaures dans le Montana. Les curieux peuvent toujours
cliquez sur www.paleo-world.com .
Pour ma part, je trouve idéal de participer une semaine à ce genre
d'expédition, de pêcher deux semaines dans la région et de visiter pendant
les jours restant des sites et des musées en rapport à la culture
amérindienne sans oublier le fameux Royal Tyrrell Museum of Paleontology en
Alberta (Canada). Les même possibilités sont offertes en Mongolie : www.nomadicexpeditions.com/notes-previous.html
Regardez
bien ces images. Ne trouvez-vous pas que cela ressemble à certains paysages
de Nouvelle-Zélande, notamment avec toutes ces fougères arborescentes ? Je
me demande si une des raisons qui me font tant aimer ce pays ne vient pas
aussi du fait que cet environnement vous transpose dans un autre temps. Le dépaysement est
garanti.
Great
Falls :
Après
ces envolées dans une autre ère géologique, je vous invite maintenant à
me suivre le long du Missouri jusqu’à Great Falls. Ce fut
une très courte étape, juste le temps de visiter les musées de
Lewis et Clark et de C.M. Russell.
Le premier est situé en
haut d’un promontoire surplombant le Missouri et à proximité de
la « Grande Chute » du Missouri qui a donné son nom à
la ville. C’est un lieu historique car c’est à partir de cet endroit que l’expédition
de Lewis et Clark a affronté les premières difficultés liées
au terrain. Ils durent en effet tirer en haut de la pente escarpée
les canaux et tout leur équipement ! Cela s’est passé en juin
1805 et cet épisode est très bien reconstitué au centre
interprétatif L. et C. sur les lieux même où cela s’est déroulé.
A partir de maintenant, je
laisse momentanément les dinosaures de côté pour vous parler un
peu plus de cette expédition dont j’ai suivi par endroit le
chemin. Pour nous, dont notre civilisation est profondément enracinée
dans le sol du « vieux continent »,
il nous est probablement difficile de comprendre ce que cela
représente pour les Américains vivant actuellement sur place.
Cette épopée n’est pas seulement celle de la découverte de
nouvelles terres et nations, mais rappelle aussi le
premier amour que ces hommes blancs ont ressenti pour cette terre.
Il
est bon de noter ici que les hommes constituant le corps de cette expédition ont été presque toujours reçus
en ami par les tribus indiennes et ont même dû leur salut à leur
aide pour se diriger dans les Rocheuses et à leur pitié quand ils étaient
transis de froid et à demi morts de faim. Cinquante ans plus tard,
leurs terres furent pillées avant de leur être conquises, les
troupeaux de bisons furent massacrés présageant le sort des
Indiens. A peine un siècle après ces premiers contacts, ils étaient
« parqués » dans des réserves, interdits de pratiquer
leurs traditions ancestrales et leurs enfants placés dans des
internats pour les « civiliser ». Ah oui ! Elle est
belle notre civilisation ! Nous pouvons être fiers de nos ancêtres !
Dans
cette sanglante conquête des terres et du pouvoir par les Blancs,
il y en a quand même eu quelques-uns
qui se sont donnés la
peine de témoigner la fierté de ces peuples, la beauté de leur
traits physiques et la noblesse de leur culture. C’est le cas par
exemple de C.M. Russell qui est arrivé en 1880 à l’âge
de seize ans au Montana. Il d’abord travaillé pendant onze ans
comme cow-boy avant de se destiner uniquement à la peinture. Ami
des Indiens qu’il côtoyait et respectait, ces derniers lui ont
bien rendu ses marques d’estimes en se laissant peindre jusque
dans leur intimité. Aller visiter le musée portant son nom a été
ma manière de reconnaître cette générosité d’âme et m’imprégner
de la culture amérindienne, la vraie, celle dont nous sommes
tristement responsables de sa disparition. Je vous invite aussi à
admirer ses chef-d’œuvres à la page « photos ».
La Blackfoot :

C’est avec la tête
encore pleine d’images et de récits d’aventures que je quittais
Great Falls en fin d’après-midi pour me diriger vers Ovando
en suivant la route des Indiens chasseurs de bisons. Pendant que le
soleil se couchait, mes pensées vagabondaient sur ces grandes
plaines rougeoyantes où des dizaines de milliers (si !) de
bisons broutaient paisiblement sous les regards d’une dizaine d’Indiens
les guettant couchés dans les herbes du haut d’une colline.
Je fus rattrapé par un
violent orage au moment de pénétrer dans la vallée de la rivière
Blackfoot. La circulation devint même très dangereuse en raison du
risque d’accident lié chutes de branches et d’arbres et encore
bien plus par le déambulement
de plusieurs daims à queues blanches effrayés par ce débordement
naturel. Il ne pleuvait pas mais ma voiture tanguait sous les
assauts des rafales de vent. Inutile de dire que je fus soulagé
d’arriver au hameau d’Ovando où j’avais réservé
une chambre dans l’unique B&B (c/o Howie et Peggy, www.blackfoot-inn.com
, tél. (406) 793 55 55)

Avec
la fin de la tempête s’évanouit aussi l’espoir d’une pluie
salutaire. Depuis la dernière tombée de neige en août ( ! )
il n’y avait plus eu de précipitation ici. Comme il avait peu
neigé l’hiver dernier, une vraie sécheresse régnait
ici avec un risque important d’incendies. Les champs étaient craquelés,
les ruisseaux asséchés et les rivières avec un manque d'eau
rarement égalé.
Une vraie calamité pour tout le monde, poissons et pêcheurs
compris.
C’est
donc curieux mais un peu pessimiste que j’abordais la Blackfoot
sous un soleil de plomb. Cette rivière était aussi la préférée
de l’auteur du livre « au milieu coule une rivière »
dont le film a fait connaître au monde entier le charme mystérieux
de la pêche à la mouche mais hélas aussi beaucoup d'émules. Les séquences de pêche n’ont
cependant pas été tournées ici mais sur la rivière Madison. Elle
est cependant restée populaire parmi les pêcheurs car la vallée
peu peuplée a gardé son caractère sauvage ce qui permet au pêcheur
de longer la rive sur une grande partie de son cours sans être
entravé par des clôtures. Elle se pêche néanmoins principalement
en barque ou en flotteurs, ce qui permet de couvrir une plus grande
partie de son cours tout en admirant le charme sauvage de la vallée.
Les pêcheurs rencontrés au B&B avaient la plupart un guide qui
les amenait en bateau. C’est certes assez cher mais au moins ils
rentabilisaient leur journée par de nombreuses prises et le bonheur
de pêcher confortablement dans un cadre somptueux.
Ma
journée de pêche débutait par un lever matinal à 9h30 –
10h00, jamais avant pour éviter un stress pupillaire aigu, puis
je déjeunais tranquillement. J’allais ensuite discuter avec le
marchand de pêche d’en face (Blackfoot angler : angler@blackfoot.net
) qui me proposait tel coin avec telles mouches. J’étais
donc tout à fait satisfait si j’avais les pieds dans l’eau à
1h00 ou même 2h00 de l’après-midi car je faisais une chasse effrénée
au moindre stress tant psychologique que physique. D’ailleurs, la
plupart du temps je lézardais d’un coin à un autre en voiture en
prenant quelques photos et en évitant soigneusement les autres pêcheurs.
Il
y avait de toute façon très peu d’éclosion et les truites
semblaient aussi alanguies que moi par la chaleur et ne
s’aventuraient à mordre qu’en fin d’après-midi. La technique
conseillée consistait à faire chuter lourdement des imitations de sauterelles
ou de gros coléoptères qui auraient fait pleurer de rire
n’importe quelles truitelles savoyardes mais qui s’avéraient
prenante ici.
J’avoue
que la pêche fut très moyenne avec quatre à cinq truites
arc-en-ciel ou « cutthroats» (trad. : gorge
coupée, cf. aussi la page « curiosités ») de plus de
vingt-cinq centimètres qui ont toutes été rendues à leur élément.
Même la nuit n’apporta pas de surprise particulière de sorte que
je quittais la rivière à la nuit noire pour chercher désespérément
un restaurant digne de ce nom et qui servait encore après 21h30.
Il
m’arriva un soir quelque chose de tout à fait surprenant. Alors
que j’avalais machinalement un mélancolique hamburger dans
l’unique bar d’Ovando en regardant les nouvelles américaines du
même goût sur leur « new war », je fus apostrophé par
mon voisin de droite et unique quidam du bar. C’était un
paysan du coin d'environ la soixantaine à mon avis. Je
m’attendais à des propos pro-américains et virulents à l’encontre
des Afghans. Quelle ne fut pas ma surprise quand il m’exposa ses
préoccupations au sujet de la surexploitation des sols, du déséquilibre
entre les besoins de l’homme et les ressources naturelles, etc. !
Je précise que je n’ai pas moi-même amorcé la discussion sur
ces sujets. Alors est-ce la sécheresse qui lui donnait un tel accès
de lucidité ou bien est-ce que l’Américain moyen deviendrait
plus critique par rapport à son mode de vie ? Quoi qu’il en
soit, ce ne fut pas la dernière personne avec qui j’ai discuté
aux USA qui soutenaient de telles idées de sorte que j’ai quand même
l’impression que quelque chose bouge dans leur mentalité.
Garnet,
ville fantôme : 
A
trois heures de route à peine d’Ovando, mais dont la moitié sur
un chemin caillouteux, vous pouvez visiter la ville fantôme de
Garnet blottie dans
une forêt d’une chaîne de montagne du même nom. C’est
maintenant un musée en plein air qui illustre bien la vie des
chercheurs d’or de la fin du XIXe et début du XXe siècle.
Son
histoire commença vers 1870 avec la découverte puis
l’exploitation traditionnelle du site par lavage du limon aurifère
d'un ruisseau. Bien que ces premiers mineurs aient déjà découvert
des filons aurifères dans le quartz, ils durent attendre 1895 que
la création d’une route permette l’acheminement d’un équipement
plus lourd. L’extraction d’argent était aussi plus
rentable. Quand cela pris fin en 1893, il y eut une vraie ruée vers
l’or et des centaines de personnes s’établirent quasiment du
jour au lendemain à cet endroit. D’autres villes poussèrent également
à l’ombre des conifères dans les alentours. En janvier 1898,
on dénombrait mille habitants à Garnet. Il y avait alors
quatre magasins, quatre hôtels, trois écuries, deux barbiers, un
boucher, une épicerie, un bureau médical, une école avec quarante
et un écoliers et bien sûr treize salons avec beaucoup d’alcool
… mais pas un seul architecte. Inutile de dire que les bâtisses
étaient très rudimentaires et dépourvues d’abri anti-atomique
et n’avaient même pas de fondation !
Deux ans plus tard,
certaines mines furent abandonnées car l’extraction du minerai ne
devenait pas assez rentable. En 1905, la « ville »
ne comptait plus que cent cinquante habitants. Un incendie du
centre commercial en 1912 puis encore la première guerre mondiale
finit de l’achever.
Elle eut cependant un
deuxième essor en 1934 quand le prix de l’or doubla pour
s’effondrer à nouveau avec la deuxième guerre mondiale. Elle
devint une ville fantôme avec la mort de son dernier résidant en 1947.
L’histoire de cette
ville témoigne bien l’attrait irrésistible de certains hommes
pour ce minerai jaune et la soif d’aventure. Cela m’a rappelé
la ruée vers l’or à Darwin City au Canada (prochainement sur ce
site sous Alaska 2). Je le répète, cette rapacité de l’homme
blanc pour l’argent, la capitalisation de terres et de biens,
l’attrait du pouvoir et j’en passe … est vraiment quelques
choses qui m’interpellent et me choque. Je me demande aussi
comment se fait-il que les Anglo-saxons - colonisateurs de la
Nouvelle-Zélande au même siècle et confronté aux même conflits
territoriaux avec les Maoris et aussi attirés par l’or - n’ont
cependant pas laissé de trace derrière eux. Il est vrai que la
nature néo-zélandaise est à mon avis infiniment plus belle et
fragile que celle des USA et que ces habitants ont peut-être adopté
pour cette raison une tradition de « ne laisser que nos
empreintes derrière nous ».
Rock Creek :

Nick et Jami m’avaient
vivement recommandé cette rivière comme étant l’une des plus célèbres
du Montana pour la pêche. Elle offre effectivement plusieurs caractéristiques
qui ont font une rivière à part. Relativement petite et coulant
dans une vallée assez resserrée, elle ne souffre pas trop des prises
d’eau pour l’irrigation et n’est pas non plus polluée par les
engrais. Aucun barrage ne l’entrave et elle offre une grande
diversité d'aspect dans sur son écoulement. Ses rives sont aussi peu
habitées de sorte que l’on y trouve une faune sauvage encore
abondante. Un chasseur venait de tuer un grand orignal mâle en haut
de son cours quand j’y étais. C’est donc effectivement une rivière
typique à truite.
Malheureusement elle
souffrait comme toutes ses consœurs de la sécheresse et la plupart
des caches à truites sous les berges ou les grosses pierres
n’offraient plus leur protection. Pour cette raison, la pêche fut
moyenne et m’a donné l’impression que les truites étaient
redescendues dans la rivière Clark Fork, elle-même
exceptionnellement basse (guéable sans problème !).
Je
me rappellerai pourtant longtemps de ce lieu pour y avoir fait la
connaissance de Doug, le tenancier du magasin de pêche du
coin (fisherman’s mercantile & motel : remerc@blackfoot.net
, www.remerc.com ). Je l’ai
rencontré assis à l’arrière de la boutique en train de monter
des mouches pour des clients tout en papotant avec eux.

Son petit-fils était là
aussi qui conseillait les clients. Je l’associais immédiatement
au personnage central du livre que je lisais à ce moment :
« la constellation du Pêcheur » de
Craig Lesley, coll. 10/18, 1997. Dans ce livre, dont
l’action se passe en 1950 dans un petit village du Montana, Culver
fait la découverte de la vie à travers l’univers de la pêche
qu’il rencontre dans le magasin de son oncle Jake. Je ne vous en
dis pas plus mais le livre est tout à fait passionnant et décrit
assez bien l’ambiance qui devait régnait dans ces petits villages
mixés à une population indienne et où il faut bien avouer que la
pêche avait autant d’importance que le football chez nous. Oui,
cela peut paraître étonnant mais dans le Montana, vous n’êtes
pas grand chose si vous ne pêchez ou ne chassez pas !
J’ai adoré ce magasin
de pêche non pas seulement parce qu’il était bien achalandé
mais surtout par son caractère vivant. Doug sait vous mettre
à l’aise et il connaît une foule de chose. Il m’est apparu
comme un puits de science et d’expérience sur la pêche à la
mouche. Formé par les maîtres du montage de mouche, il peut vous
en monter une les yeux fermés. « Surtout, Didier, ne coupe
pas les tinsels qui dépassent car nos truites ne sont pas suisses
et elles n’ont que faire du "propre en ordre" de ton pays ».
Un jour, il me dit : « il
y a trois stades dans la pêche : dans le premier, le pêcheur
veut prendre beaucoup de poisson ; au second, il veut
prendre de gros poissons et dans le troisième il veut les
prendre parfaitement, sans se préoccuper de la taille et du
poids ». Ces sages paroles résonnent encore dans ma tête.
Par « parfaitement »,
il faut comprendre que le pêcheur ne s’attarde que sur un poisson
qui se nourrit ou qu’il voit à l’affût et pour lequel il va tout faire
pour le prendre du premier coup en choisissant la bonne
mouche puis en s’approchant adroitement sans se faire repérer et
finalement en prenant le poisson au premier ou deuxième coup de
ligne soigneusement posé. Comme en Nouvelle-Zélande, quoi !
Voyez-vous, cette attitude
fine et sensible de se fondre dans l’élément naturel est ce qui
fera toujours toute la différence entre le joggeur, le skieur ou
pire le footballeur et le pêcheur. Le jour ou les footballeurs mettront un point
d’honneur non pas à mettre le plus de but possible mais à jouer
en harmonie avec lui-même et son équipe dans le respect des
règlements et de ses adversaires pour mettre des buts artistiques, il est
possible que vous me voyiez à
un match.
Tout ceci m’amène
parfois à rêver d’une immigration en Nouvelle-Zélande,
par exemple sur la côte nord-ouest de l’île du sud. Là,
j’aurai mon magasin de pêche avec un tea-room attenant dans un
petit village proche des montagnes. Je donnerai des leçons
de montage de mouche aux jeunes et ferai des thérapies de groupes
avec les vieux nostalgiques du passé. Accessoirement, je deviendrai
millionnaire, non pas avec le magasin de pêche, mais grâce aux
pains et pâtisseries préparées à la mode de chez nous et
introuvables en Nouvelle-Zélande. Cela me permettra de partir pêcher en
hélicoptère avec un guide tous les week-ends de l’année. Oh
oui ! La vie serait bien belle comme ça. Comme j’aime ce
pays et son environnement unique !
Pour l’instant revenons
dans le Montana. Si vous souhaitez venir ici pour pêcher, Doug
m’a conseillé le mois d’avril. D’une part la rivière
n’est pas encore trop fréquentée, mais surtout il y a des éclosions
de mouche de pierre nommée « skwala » qui font
perdre toute méfiance aux truites. Avis aux amateurs. Pour l’hébergement,
le plus simple consiste à dormir dans le motel appartenant aussi à
Doug. Juste à côté, vous pouvez manger dans un très pittoresque
restaurant. Les personnes plus nanties peuvent également dormir au
B&B « the blue damsel » un peu plus haut dans la
vallée (niki@thebluedamsel.com
, www.thebluedamsel.com
).
La Bitterroot :

La vallée de la
Bitterroot ne mérite pas seulement notre attention parce qu’elle
est belle, mais aussi parce qu’elle a été le théâtre d’au
moins deux évènements historiques.

C.
M. Russell (1918) : rencontre de Lewis et du chef Shoshone
Cameahwait
Lewis
& Clark, voyage of discovery, S. E. Ambrose, National Geographic
Society, 1998
Lewis et Clark, guidés
par des Indiens shoshones, arrivèrent dans cette vallée en septembre
1805 avec leurs hommes (environ quarante). Ils rejoignirent la vallée
en passant le col du sentier perdu (« lost trail pass »)
à la frontière actuelle entre le Montana et l’Idaho. Il faut se
représenter ces hommes avec déjà un an de route derrière eux,
fatigués et découragés par la difficulté à trouver une route
navigable qui puisse rejoindre l’océan Pacifique. La chaîne de
montagne Bitterroot s’interposait sur leur chemin et
l’approche de l’hiver ne faisait rien pour les rassurer. Ils
rencontrèrent ici des Indiens Salish qui leur donnèrent des peaux
de bisons, de la nourriture et des chevaux frais.
(Photo : Barbara June)
Sur le chemin du retour,
ils arrivèrent dans cette même vallée début juillet 1806.
Lewis constata alors que des Indiens se nourrissaient de la racine
d’une fleure rose. Nommée Bitterroot (trad. « racine
amère »), elle donna son nom à la vallée et la chaîne de
montagne environnante car elle leur donnait sa couleur au moment de
la floraison. La taxonomie latine (lewisia rediviva) honore
son découvreur américain. Elle est également la fleure emblématique
du Montana.
Septante
deux ans plus tard, Chef Joseph empruntait le même chemin que
Lewis à son retour. Souhaitant conserver la liberté pour son
peuple Nez-Percé et refusant de s’établir dans une réserve, il
guida les siens (composés aussi de femmes et d’enfants) vers le
Canada - où se réfugiait déjà Sitting Bull - avec la cavalerie
américaine à ces trousses. Cette épopée de 2’700 kilomètres
fut parsemée d’escarmouches avec les soldats dont l’une eu lieu
juste à quelques kilomètres du col du sentier perdu (à Big
Hole, 9 août 1877) et où décédèrent nonante des siens
(femmes et enfants aussi, bien entendu). « Malgré toute
l’habileté des Indiens et les nombreuses escarmouches au cours
desquelles ils infligèrent de lourdes pertes aux soldats, Joseph et
son groupe durent finalement se rendre (à seulement 60 kilomètres
de la frontière canadienne). Avec les nombreux blessés, les femmes
et les enfants épuisés, décharnés, il n’était plus possible
de s’échapper ; plus de cent cinquante Nez-Percés avaient déjà
succombé… Les soldats embarquèrent les survivants en Oklahoma, où
près du quart d’entre eux fut emporté par la malaria » (« les
civilisations des Indiens d’Amérique du Nord » sous la
direction de Christian F. Feest, Könemann Verlagsgesellschaft mbH,
2000).
(Photo : "Histoire des
Indiens d'Amérique du Nord", Alene
Hirschfelder, Larousse, 2001)
Au moment de la reddition,
Chef Joseph aurait prononcé ces célèbres paroles :
« Je suis fatigué
de combattre. Nos chefs ont été tués. Les anciens sont tous
morts. Il fait froid et nous n’avons pas de couvertures. Les
petits enfants gèlent. Plusieurs des miens ont pris la fuite dans
les collines et n’ont ni couvertures ni nourriture ; nul ne
sait où ils sont, peut-être sont-ils en train de mourir de froid.
Je veux avoir le temps de chercher mes enfants et de voir combien je
réussis à en trouver. Peut-être les découvrirai-je parmi les
morts. Ecoutez-moi, mes chefs. Je suis fatigué ; mon cœur est
triste et morne. Dorénavant, je ne veux plus combattre. » (« Les
secrets des Indiens d’Amérique » S. Bedetti, éditions de
Vecchi, 1999). Exilé, on ne lui permit qu’une brève visite à sa
terre ancestrale avant sa mort en 1904.
« Amour de la paix,
éloquence et génie militaire, alliées à une tragédie
personnelle et à un physique photogénique, firent de Chef Joseph,
aux yeux des Blancs, l’exemple type du « bon » Indien,
dont le sort était certes regrettable, mais inéluctable. » (« Les
civilisations des Indiens d’Amérique du Nord », op. cité).

"Inéluctable"
?! Ce mot me choque venant des Américains qui étaient déjà à
cette époque les chantres de la liberté. Ainsi n'était-il pas
possible que des hommes partagent d'autres valeurs que les Blancs ? Qu'il n'y avait pas d'autre alternative pour
l'homme blanc que de capitaliser la terre et ses richesses, quitte
à asservir, voir anéantir, des nations différentes ? Ose-t-on
encore parler d' "assimilation" quand cela s'est fait par
l'entremise de traités hypocrites, la déportation dans des réserves, la
force des armes puis le retrait des enfants à leur famille ? Savez
vous que des plus de cinq millions (estimation) d'Indiens vivant en
Amérique du Nord avant l'arrivée des Blancs, on n'en dénombrait
que 350 000 en 1950 ? N'était-il pas envisageable que pendant ces
siècles des "lumières" nous prenions exemple sur
des cultures ayant une vision plus équitable et équilibrée de
l'homme par rapport à l'environnement ?
Ah non ! Je ne peux pas dire que je suis fier du comportement
de mes ancêtres envers les Amérindiens, pas plus là que dans la
plupart des autres contacts que nous avons eus avec des nations étrangères!
Le pire étant qu’à mon avis, nous ayons très peu évolué et
gardons au font de nous cette attitude arrogante et dominatrice. Après
avoir conquis les moindres recoins de notre terre, sondé les
profondeurs abyssales des océans, marché sur la lune et
peut-être bientôt sur mars, je me demande quand est-ce que l'homme
va apprendre à vivre en harmonie avec son biotope, en laissant à
toutes les espèces sa chance d'exister et d'évoluer ?
Les pêcheurs se
demanderont à nouveau où je les emmène après un premier détour à l’ère
des dinosaures. Je leur réponds que l’exercice de la pêche
est pour moi indissociable d’une curiosité pour l’histoire géologique,
biologique et finalement humaine du lieu. Au bord de l’eau, il
m’arrive souvent de fermer les yeux et d’essayer d’imaginer ce
qui a pu se passer sur cette terre.
Dans ce sens, je me suis
rendu au refuge naturel national Lee Metcalf, quelques kilomètres
en amont de Stevensville, car c’est l’un des seuls endroits
conservant un environnement à peu près indemnes et donc dépourvus
de
barrière. J’ai bien essayé de pêcher le bras ouest de la rivière
en amont de Conner, mais comme à Rock creek, le niveau d’eau était
trop bas pour offrir une pêche intéressante. J’ai obtenu de bons
résultats dans les courants à la nymphe et le soir avec des
imitations de sauterelles.
Pour la petite histoire,
je mentionne qu’un pêcheur m’a conseillé de pêcher un petit
affluent de la Bitterroot. Mais, lui dis-je, elles sont toutes
pratiquement asséchées ! Oui, me répond-il, mais pas en
amont des fermes!!
En effet, la vallée est
densément peuplée et couverte d’exploitations agricoles. Les
fermiers ne se gênent pas pour pomper parfois toute l’eau
des ruisseaux, ne se préoccupant nullement des conséquences pour
la faune aquatique. J’ai bien l’impression qu’il faudra
attendre une ou deux bonnes années avec beaucoup de neige et de précipitations
pour que toutes ces rivières du Montana retrouvent leur attrait
halieutique d’antan. Par ailleurs, je ne peux que conseiller les pêcheurs
à utiliser des flotteurs ou de prendre un guide pour pêcher en
barque car les endroits intéressants sont parfois éloignés et les
accès à la rivière très limités par les propriétés privées.
Comme adresse, je vous
laisse celle du Fishaus (magasin de pêche) à Hamilton : fishaus@montana.com
.
La Clearwater :
Je reconnais que c’est
à regret que j’ai quitté la Bitterroot mais il me fallait
continuer vers l’Ouest si je souhaitais finir mon tour comme prévu.
Comme on m’avait informé d’une grosse remontée de steelheads
(cf. Colombie-Britannique), je m’y suis rendu pour tenter ma
chance. La route passait par le col Lolo et longeait la Lochsa
jusqu’à sa réunification avec la Selway à Lowell suivant le même
chemin utilisé par l’expédition de Lewis et Clark et la tribu des
Nez-Percés. A cette endroit, la rivière prend alors le nom "middle
fork Clearwater river".
Il faisait toujours un
temps radieux en ce début octobre de sorte que j’en ai profité
pour faire de nombreuses photos, surtout dans la vallée de la
Lochsa. C’est un des coins de pêche avec les vallées Selway
et Kelly (plus au nord) qui sont réputés pour leur austère et sauvage beauté.
Elles peuvent aussi être redoutables par de brusques changements
atmosphériques et des chutes de neige inopinées en plein été.
Lewis et Clark pourraient vous en dire long à ce sujet, eux qui
souffrirent froid et famine pendant les douze jours nécessaires
pour franchir ce col. Ce fut l’épreuve la plus éprouvante de
tout leur périple.
Mrs. Doris S. Clymer
Une chose est certaine,
ils n’auraient pas reconnu et probablement pas apprécié
l’arrivée dans la région de Lewiston. En effet, un
barrage à la hauteur de la ville ralenti considérablement le cours
de la Clearwater et l’élargi. Juste en amont du barrage, une énorme
usine de traitement du bois défigure affreusement le site et rend
l’atmosphère nauséabonde. Cette odeur soufrée est présente
toute l’année selon les habitants et j’avoue avoir
difficilement pu m’y faire pendant mon séjour de trois jours. La
ville est par ailleurs ennuyeuse à mourir, ce que m’ont également
confirmé certains citoyens qui avouent qu’à part la pêche, la
chasse et boire… il n’y a rien à faire ici. Heureusement que la
patronne du petit motel central (« Travel Inn ») était
très sympathique et que le restaurant « the Olive Pitt »
servait des plats variés et réellement bons.
Mes trois jours de pêche
furent tout à fait à l’image de ce cadre : ennuyeux.
Pour être vraiment efficace, il m’aurait fallu une embarcation
pour pouvoir pêcher aux endroits les plus profonds de la retenue où,
m’avait-on dit, les steelheads se reposaient au frais. Sous
ces derniers jours ensoleillés de la saison, je n’ai en effet pas
vu l’ombre d’une truite mais pris, à ma grande surprise, des barbeaux
à la mouche en plein dans les rapides !
Le site devait être
magnifique à l’époque mais la trop forte densité humaine (Lewiston compte plus de trente milles hab.), la pollution
industrielle, la proximité de la route, les allées et venues de
hors-bords sur la rivière ont vraiment tué le charme du lieu. A
moins d’être un fanatique de la pêche du steelhead et d’avoir
réservé un guide muni d’un bateau, je vous déconseille de vous
y rendre.
La Lochsa :

Inutile de vous dire que
c’est avec empressement que j’ai quitté cette vallée pour
retourner à Lowell dans la vallée de la Lochsa. J’étais
d’ailleurs si pressé que j’ai essuyé un contrôle de police
car j’avais dépassé d’environ 20 km/h la vitesse autorisée,
… et j’aime mieux vous dire que ces paroissiens-là ne sont pas
commodes quand ils vous examinent de près. Mon statut de touriste
et ma politesse m’a probablement permis d’échapper à une
amende mais sachez qu’ici on ne plaisante pas avec les limitations de
vitesse, par ailleurs fort basses dans ce pays.
Pour comble de misère, le
ciel se couva et il commença à pleuvoir de manière presque
continue. C’était certes la meilleure chose qui puisse arriver à
l'environnement asséché mais avec le froid en plus, la pêche à
la mouche perdit tout son attrait. Vraiment, je ne peux pas dire que
j’aie bénéficié des meilleures conditions de pêche.
Je pris tout de même
quelques belles « cutthroats » avec des mouches « adams »
et « royal wulff » cal les sauterelles ont subitement
disparues avec l’arrivée des premières gelées. A l’inverse de
la Clearwater à Lewiston, je ne peux que recommander la pêche dans
cette rivière ainsi que sa voisine la Selway avec cependant
un bémol lié aux nombres importants de pêcheurs en été qui
campent aux abords directs de la rivière. L’épicier de Lowell
m’a informé que la Kelly est encore beaucoup plus sauvage et
coule dans un environnement similaire à celle de la Lochsa. Ce sera
pour une prochaine fois.
Comme
hébergement, je conseille le « three rivers resort » :
www.threeriversresort.com
.
Silver Creek :

En descendant vers le sud,
je me rapprochais des rivières mythiques de l’Ouest américain :
Silver Creek, Henry’s Fork, Madison, Yellowstone,… que
voulez-vous de plus. Il me restait cependant moins de deux semaines
avec ma voiture de location, donc pas question de traîner en route. Il
m’a fallu cependant un bon jour pour rejoindre le village de
Ketchum dans la Sun Valley (trad.: vallée du soleil).
Ce fut un itinéraire
pittoresque longeant sur
une grande partie la rivière Salmon. Je me suis arrêté sur le
site historique de White Bird où les Nez Percés livrèrent
leur première bataille contre la cavalerie le 17 juin 1877 lors de
leur longue marche vers la liberté. Les Indiens furent attaqués
par le capitaine D. Perry avec deux compagnies de cavalerie et onze
pionniers volontaires. Les Blancs perdirent trente-quatre soldats et
deux volontaires, les Indiens personne ! Des panneaux en
bordure du site expliquent en détail le déroulement de la
bataille. C’était là le dernier clin d’œil de Chef Joseph
dans mon tour.
J’ai suivi la rivière
Salmon jusqu’à New Meadows (route 95) puis continué vers le
sud sur la nationale 55 jusqu’à Banks. Là je me suis engagé sur
une petite route sinueuse remontant la vallée de la branche sud de
la rivière Payette jusqu’au cœur des montagnes rocheuses.
Heureusement que je n’étais pas resté un jour de plus sur la
Lochsa car les chutes de neiges des jours suivant m’auraient
interdit ce chemin. La chaîne de montagnes en « dents de scie »
(Sawtooth mountains) en contre-jour d’un coucher de soleil
m’a laissé un souvenir magnifique de cette conduite.

La petite ville de Ketchum
est une station de ski huppée crée en 1936 par Averill Harriman.
C’était un fervent skieur en Europe et souhaitait doter les USA
d’une station de ski bourgeoise similaire à celles qu’il avait
fréquenté sur le vieux continent. Aussitôt dit, aussitôt fait.
La station marchait très bien pendant les mois d’hiver mais se
vidait dès la fonte des neiges en avril. Il invita alors Ernest
Hemingway en septembre 1939 dans l’idée de promouvoir la pêche
dans la vallée. Il paraît qu’il s’ennuya des truites, lui qui
aimait se mesurer à d’énormes thons et marlins. Par contre, il
prit beaucoup de plaisir à chasser des oies et des canards sauvages
à Silver Creek (trad.: ruisseau argenté), quelques kilomètres au sud de la Sun
Valley. Il aima tellement cela qu’il y revint chaque automne
pendant vingt ans avec son jeune fils « Bumby ». Ce
faisant, il transmit l’amour de cet endroit à son fils Jack qui
oeuvra plus tard pour que ce petit bijou naturel soit protégé à
jamais de toute construction humaine et reste un domaine public
accessible à tous les amoureux de la nature.

C’est ainsi que sept
milles fois par an, des pêcheurs tentent de persuader les truites
les plus aguerries des USA à saisir leur mouche. Inutile de dire
que toute les truites ont été prises une fois ou l'autre. Les
Américains appellent ce plan d'eau "the graduate school of
flyfishing" (école supérieure de la pêche à la mouche). Cela
m'a rappelé la Loue chez Sansonnens (propriétaire d’une célèbre parcelle sur la
Loue dans le Jura, très difficile à pêcher en raison des
nombreux pêcheurs qui y viennent et du no-kill en vigueur).
J’avais lu le « River
Journal : Silver Creek » de W. David Joye, 1993, avant de
venir et rêvais depuis longtemps de me mesurer à ces truites. Je
n'ai pu y pêcher qu’une journée car le jour suivant une tempête
s’est levée rendant illusoire tout poser de ligne digne de ce
nom. J’arrivais ainsi fébrile sur le pont de Kilpatrick et m’y
arrêtais pour déceler la présence de truites en-dessous jouant à
cache-cache avec moi. Comme il y avait déjà des pêcheurs, j’ai
continué mon chemin jusqu’au centre d’information du site où
je me suis gravement enregistré.
Je fus d’abord très étonné
de constater que le domaine est plutôt petit et que la partie amont
ne possédait que des truitelles en raison de cette maudite sécheresse.
Le lac Sullivan semblait étouffer sous un épais lit de mousse de mauvais augure. Après une heure décevante de pêche, je suis
revenu au pont de Kilpatrick. J’assistais à une chasse
probablement d’une très grosse truite en aval mais l’endroit était
hors d’atteinte en waders. Résigné, je pêchais à mes pieds à
l’aval du pont et eu la surprise et probablement la chance de
prendre avec une nymphe tressée verte une belle truite brune qui
fit demi-tour de sous le pont pour s’en saisir. Les autres pêcheurs
en furent tout surpris et l’un eu la gentillesse de prendre
quelques photos de la scène. Elle accusait le kilo dans ma filoche
et je la laissais filer avec émotion. Plus tard dans la soirée, je
discutais avec Steve - un pêcheur habitant le coin - qui me dit
qu’en fin de saison et sans flotteur, il est rare de prendre une
belle truite dès son premier jour de pêche, surtout cette année
qui était désastreuse pour tout le monde.
En soirée, j’ai eu
beaucoup de plaisir à visiter Ketchum qui ressemble plus à nos
villages alpins comme Zermatt, Gstaad ou Cran Montana que
n’importe quelle ville américaine. Evidemment, tout est aussi très
cher. Certaines rues portent des noms de pierres précieuses mais
savez-vous comment s’appelle la montagne skiable la plus proche ?
« Dollar mountain », de même que les remontes-pentes et
la cabine de départ. On n'est pas aux USA pour rien.
Si vous passez néanmoins
par-là, je vous recommande de visiter le magasin de pêche « Silver
Creek outfitters » (www.silver-creek.com
) car les vendeurs sont exceptionnellement agréables et aidant. Par
ailleurs, vous pouvez aussi louer un flotteur à cet endroit.
Comme motel, je recommande
le « Lift Tower Lodge » (tél : 208 726 5163) qui
serait l’un des meilleurs marché et son gérant est sympathique.
Henry's Fork :
Le jour de mon départ, la
vallée du soleil me réservait une surprise. Il avait neigé
pendant la nuit et une fine pellicule blanche recouvrait les montagnes
environnantes. Ketchum paraissait féerique dans son nouveau manteau
d’hiver. Mais pour moi, c’était le signal très clair qu’il
ne fallait pas traîner si je voulais arriver sans incident sur les
hauteurs de West Yellowstone dans la soirée.
En route, je fis une dernière
fois mes adieux à Silver Creek, bien esseulée sous cette basse
pression barométrique. Plus loin, je traversais un gigantesque
champ de lave surnommé à juste titre le « cratère de la
lune » et classé monument national. C’est à partir de
cet endroit que le temps s’est gâté. D’énormes nuages et
chutes de neige obstruaient l’horizon pendant que ma voiture était
secouée par de fortes rafales de vent. Je réussis cependant à échapper
à l’enneigement mais il s’en est fallu d’une demi-heure. Je
plaignais les automobilistes qui me croisaient et s’enfonçaient
tout droit dans la tempête. Je ne crois pas que j’aie vu une scène
météorologique aussi saisissante en Europe. Et ce que je craignais
arriva : les cent derniers kilomètres étaient recouverts de
neige, les premières de la saison.
Par contre, je n’ai eu
aucun problème à trouver un motel bon marché car West
Yellowstone était vidée de ces touristes. Je peux vous recommander
le « Lazy Motel » (lazyg@wyellowstone.com
) simple, bon marché, central et la patronne est sympa.
Il faisait un froid de
canard le jour suivant et les routes étaient verglacées. Et bien
c’était néanmoins ce jour-là que j’ai choisi pour aller
visiter le musée des Rockies ( www.museumoftherockies.org
) à Bozeman et retrouver une des plus grandes collections d’os de
dinosaures du Montana. Je vous invite à lire aussi « infos
dinosaures » inclus dans le journal de Colombie-Britannique.
C’est quand même quelque chose cette passion car je ne suis pas sûr
que beaucoup d’entre vous auraient pris le risque de conduire les
deux cents kilomètres me séparant de ces chers vieux os fossilisés.
Ceci dit, cette visite est un « must » si vous êtes
dans la région car vous remonterez les ères géologiques depuis la
création de l’univers suite au big bang jusqu’à notre époque
actuelle. C’est un musée très didactique et bien conçu qui a
aussi le mérite d’épouser des proportions humaines.
Si vous êtes un fan
d’informatique, sachez que Bozeman recèle également l’un des
meilleur musée de l’ordinateur ( www.compuseum.org
) de toute l'Amérique. Il était malheureusement trop tard pour que
j’y aille.

Avec ce sol recouvert de
neige, le froid, des journées plus courtes et surtout ces déprimantes
eaux basses, mon intérêt pour la pêche était déclinante. Je me
suis quand même efforcé à une journée de pêche sur la Henry’s
Fork, ne serait-ce que pour me rappeler des bons moments de
1999. A ma grande surprise, il y avait encore quelques passionnés
à « Canyon Box » mais le niveau de l’eau était
incroyablement bas. Certains coutumiers du coin n’avait jamais vu
cela depuis qu’ils venaient ici. Je pris tout de même quelques
« whitefishes » et deux truites à la nymphe en deux
heures. Puis je me suis rendu à « Last chance » où il
n’y avait personne dans l’eau. A ma grande surprise, aucune
truite habituellement postée proche de la berge ne trahit d’une
vague sa fuite à mon passage. La rivière paraissait léthargique
et les truites alanguies par le gel.
Je continuais ma
prospection en aval et constatait à regret que la pêche était déjà
fermée dans le fameux « pool du millionnaire » du parc
d’état Harriman. Je me suis finalement résigné à pêcher des
gobages de « whitefishes » en aval d’un pont, tout en
admirant un splendide couché de soleil.

Le soir-même, j’étais
invité de suite chez Michel Fontan avec lequel nous nous
sommes remémorés nos excellentes parties de pêche deux ans
auparavant. Il me confirma que la saison avait été dramatique
cette année et que suite à la tragédie du onze septembre, beaucoup
d’Américains avaient annulé leurs vacances ici. Du coup,
plusieurs magasins de pêche ont fermé plus tôt. Comme il devait
partir prochainement pour la France en passant d’abord chez un ami
à Livingston dans le Montana, il me proposa de le suivre et que nous
allions pêcher ensemble dans le parc Yellowstone les prochains jours.

Parc national du Yellowstone ou le sanctuaire des
montagnes Rocheuses :
Moins spectaculaire que
les Galápagos, ce parc national garde cependant une place privilégiée
dans ma mémoire. Rares sont les endroits au monde qui mélangent beauté
des paysages, richesse de la faune et intérêt pour sa géologie.
Les Américains y étaient aussi sensibles puisqu’ils protégèrent
cet environnement en le classant parc national le 1er
mars 1872, le premier espace naturel protégé de la sorte sur notre
planète (cf. « infos divers »).
L’histoire de cette région
est plutôt tourmentée. Il y a 65 millions d’années, les
dinosaures patrouillaient cette espace à la lisière d’une mer
qui coupait en ce temps l’Amérique du Nord sur toute sa longueur
(cf. carte à « infos dinosaures » journal
Colombie-Britannique). L’ère géologique suivante – le
tertiaire ou cénozoïque – connu la formation des montagnes Rocheuses accompagnées d’une intense activité volcanique dont
les geysers et autres activités géothermiques sont les témoins
actuels. Cette activité volcanique se calma pendant des millions
d’années avant de reprendre de plus belle il y a une dizaine de
millions d’années. La dernière gigantesque éruption eu lieu il
y a environ 600 000 ans et
fut 2 500 fois plus puissante que celle du Mont St Hélène et 200
fois plus forte que l’éruption du Krakatoa en 1883 !
L’effondrement de son cratère est à l’origine de l’immense caldeira où se situe aujourd’hui une bonne partie du
parc.

Après ce façonnement géologique
par le feu, suivit un polissement de la croûte terrestre par
trois périodes glaciaires successives, la dernière ayant eu lieu
il y a 12 000 ans. La fonte de la calotte glaciaire – dont l’épaisseur
pouvait atteindre mille mètres – est à l’origine du lac
Yellowstone et d’importants dépôts sédimentaires.
Comme si cela n’était
pas suffisant, la région subit encore un puissant tremblement de
terre en 1959 (force 7,1 à l’échelle de Richter) et un énorme
incendie pendant la dernière décennie qui dévasta plus du tiers
des forêts du parc.
Paradoxalement, la flore
et la faune semblent avoir largement bénéficié de ce remue-ménage
géologique puisqu’elles sont restées parmi les plus riches et préservées
des Rocheuses américaines. Par exemple, c’est ici que l’on a
retrouvé les derniers bisons – moins de mille – au début du
siècle passé après le massacre de plus de 40 à 60 millions
d’entre eux ! (oui, vous avez bien lu) en moins de septante ans
(cf. "infos divers"). De même, ce site a aussi servi de
dernier refuge pour les wapitis et les grizzlis quand
la chasse était pratiquée de manière incontrôlée. Les
Indiens eux-mêmes étaient peu nombreux à vivre sur ces plateaux
élevés à 2'500 mètres en moyenne et inhospitaliers
pendant les rudes mois d'hivers. Pour toutes ces raisons, permettez-moi de
surnommer ce parc national le sanctuaire des montagnes Rocheuses.
A défaut d'être des zélés paroissiens, sachons au moins en
être de dignes gardiens.

Les récits des premiers trappeurs du
XIXe siècle ne furent pas pris au sérieux par leurs
contemporains, ce qui retarda d’autant notre présence sur ce site. Entre 1869 et
1871, trois explorations scientifiques analysèrent,
nommèrent et photographièrent ces plaines et vallées. Leurs révélations
au monde de la fascinante et unique beauté dans son genre de cette
région s’accompagna d’une lueur de lucidité – oh miracle -
quant à l’utilité de la protéger de l’avidité des pionniers.
C’est ainsi que fut rapidement créé le premier parc national
au monde en 1872 (cf."infos divers"). Depuis cette
date, le parc a fait la joie des visiteurs
comme en témoignent les photos du musée de West Yellowstone. Comme
pour d’autres sites que j'ai visité, je m’interroge néanmoins sur la
surfréquentation
humaine si l’on tient à préserver ce biotope unique pour les générations futures.
Quand on sait que plus de 2 millions de visiteurs par an transitent
ici pendant l'été,
vous avouerez que la question se pose.

Bien que ce
parc national fut créé dans le but de protéger ce site, la pêche
a toujours été pratiquée ici comme en témoignent les photos
ci-dessous. Cette activité était même si populaire que cela en
appauvri la faune piscicole. C'est à ce stade que des guides de
pêche locaux incitèrent leurs clients à relâcher leurs prises
dans l'eau : la pratique du "no kill" était née. A noté
que comme aujourd'hui, la pêche à la mouche avait déjà de
nombreux adeptes. Nul doute cependant qu'à cette époque les
rivières étaient plus saines et regorgeaient de truites mieux
nourries et plus nombreuses que de nos jours.

Pour ma part, je reconnais
avoir toujours vécu mon passage sur cette terre comme un privilège car, à l’instar des Galápagos, les animaux ne sont
pas trop craintifs à l’approche de l’homme et leur proximité renforce
mon sentiment d’appartenance à leur univers. A ce niveau, je le répète,
c’est un immense avantage que de pouvoir sortir des sentiers
battus et traverser des rivières pour pêcher et surtout fuir la
foule quand on cherche à
s’harmoniser avec l’environnement. J’ai particulièrement
ressenti cet état de grâce cette année en raison du peu de
touriste présent à la fin de la saison.
Comme il y a deux ans,
Michel et moi avons remonté et pêché la Madison.
Enveloppé dans son manteau d'hiver, elle coulait paisiblement au
pied des collines. Quelques rares pêcheurs partageaient cette
sérénité à son chevet. Deux truites, ma fois fort belles, me
firent l'honneur de saisir mon streamer. Il est vrai que c'est la
saison où elles remontent les cours d'eau pour frayer et que l'on
peut avoir de grosses surprises.
Plus en amont encore, la Firehole
nous réserva le spectacle de nombreux gobages qu'un fort vent nous
empêcha d'attaquer proprement. Il est vrai que son cours
bénéficient de l'écoulement permanent des sources d'eaux chaudes
ce qui retardent la fin des éclosions. Près de là, un troupeau de
bisons broutaient me rappelant leur proximité deux ans auparavant
lors des parties de pêche (cf. page "photos"). Oui, il
ne fait aucun doute que ce plateau volcanique alimente un subtil
équilibre biologique qui apporte sa part de sérénité à celui
qui y est sensible. C'est là toute la magie de ce lieu.
Trois jours plus tard,
nous avons remonté la "Paradise Valley" depuis
Livingstone, puis la rivière Lamar et enfin le chemin caillouteux
menant au camping déserté de Slough Creek. Je fus pris
d'une étrange émotion mélancolique en revoyant cette rivière étonnamment
calme en raison de l'absence de touriste et de son cours lent où
aucune truite n'était visible. C'est pourtant ici que deux ans
auparavant une monstrueuse "cutthroat" se jeta à deux
reprises sur une petite truite d'une quinzaine de centimètres qui
s'était saisi de ma mouche. Nous étions absolument seuls maintenant
à ressentir le poids du silence. Jamais le terme de pèlerinage
n'a pris autant de sens qu'ici. Là aussi les photos
seront certainement plus parlantes qu’un long texte.
Madison
Slough Creek
Les informations sur le parc sont
tirées de deux guides touristiques : "Yellowstone explorers
guide" de Carl Schreier, Homestead Publishing, 1983; et de
"Yellowstone National Park" publié par Michael D. Yandell,
National Parks Division of World-Wide Research and Publishing Co,
1976.
La Boulder :

Comme
convenu, j’ai suivi Michel à Livingston et dormi quelques
nuits chez ses amis. Ce fut l’occasion de passer d’excellentes
soirées à discuter et à l’écouter jouer de la guitare. Après
plusieurs semaines sans discussion en français, je peux dire que
ces jours m’ont vraiment fait du bien. J’en ai aussi
profité pour visiter le musée de la pêche à la mouche où sont
exposées d’impressionnantes collections de tableaux, de matériels
divers et de mouches dont certaines figurent aux têtes des
paragraphes de ce journal.
Nous sommes aussi partis pêcher
un jour sur la Boulder, une petite rivière prenant sa source
dans la forêt nationale de Gallatin juste au nord du parc du Yellowstone. Méconnue, elle est cependant très appréciée des pêcheurs
locaux. Ce n’est certes pas là que vous prendrez un monstre mais
vous apprécierez certainement le charme bucolique de ces lieux.

Malheureusement, la partie
la plus intéressante à pêcher se situe dans des propriétés privées
interdisant tout accès à la rivière. J’en viens à regretter la
Suisse où cette situation ne serait pas possible puisque tous pêcheurs
munis de son permis de pêche a le droit de passer sur un
domaine privé pour exercer son activité dans des eaux du domaine
public. A bien y réfléchir, je me demande si la possession de
grandes étendues de terre non cultivées, mais cependant
minutieusement clôturées, à vraiment un sens. J’admets que
l’on souhaite un espace privé faisant partie de son chez soi où
que l’on protège le fruit de son exploitation agricole et son bétail
mais ici ces propriétés appartiennent à des gens aisés qui
n’en font rien de spéciale. Je peux comprendre que cette attitude
ait pu choquer les Indiens, et que penser des animaux sauvages qui
parfois se blessent en sautant par-dessus ces fils barbelés.

Les eaux étant trop
basses en amont et la rivière inaccessible en aval, nous nous
sommes résolus à ne faire qu’un petit tour de visite. Il y a
notamment une arche rocheuse
qui surplombe la rivière qui elle-même disparaît dans les rochers en
contre-bas. A cet endroit, des fossiles de coraux sont
visibles témoignant de la présence de la mer à l’ère
mésozoïque, mais cela vous le savez déjà.
La vallée du Paradis
:

Voilà la deuxième révélation
de mon circuit halieutique après la Missouri. Cette vallée mérite
bien son nom. En effet, la rivière Yellowstone en provenance
du parc du même nom coule ici librement, ce qui reste plutôt rare
aux USA pour une rivière majeure. En plus d’avoir gardé son
aspect naturel, elle est richement dotée en insectes aquatiques et
par conséquences aussi en truite de belles tailles. Par ces mois de
sécheresse, je peux vous dire que c’était une des rares rivières
en laquelle j’ai cru du premier coup d’œil.

Je l’ai pêchée à différent
niveau depuis Livingston jusqu’à quelques kilomètres en aval de
sa sortie du parc, au nord de Gardiner. Comme il y a deux ans où je
l’ai pêchée dans le parc, elle m’a donnée beaucoup d’émotions
et de plaisir, pas seulement par la quantité honorable de prises
mais aussi par la beauté des sites. Pour moi, cet aspect est
presque aussi important que la capture de poissons. Il faut dire que
les paysages étaient féeriques avec ces arbres aux feuilles
jaunies, ces montagnes saupoudrés des premières neiges et surtout
ce ciel d’automne donnant la réplique aux couleurs terrestres.

Parce que c’est vous et
uniquement pour cette raison, je veux bien vous concéder un petit
secret que m’a transmis Michel. Cette rivière possède un vrai
petit trésor : Armstrong Spring Creek. Dans le style de
Silver Creek, cette petite source s’écoule au sud
de Livingston à l’intérieur de propriétés privées qui la
protège. Certes, il faut réserver longtemps à l’avance sa place
pour y pêcher et payer environ70 $/jour si mes souvenirs sont bons,
mais là vous êtes garanti de pêcher dans des eaux translucides très
richement pourvues en truites bien grasses et partager le site avec
un nombre limité de pêcheur (une dizaine). Leur capture n’en
reste pas moins technique car elles sont plus qu’éduquées à nos
traquenards.

Une bonne idée
consisterait à réserver deux ou trois jours de pêche ici et de
tenter le coup sur la Yellowstone et la Boulder le reste de la
semaine, voir même de s’aventurer dans le parc national
Yellowstone pour pêcher Slough Creek, la Lamar et j’en passe.
Comme vous pouvez le constater, ce n’est pas les opportunités qui
manquent dans ce coin restreint des USA.
Dans le même style que la
Missouri, j’ai aussi entendu beaucoup de bien de la Big Horn et
de ses truites géantes à l’Est, proche du champ de batailles où
Custer et les siens se sont fait décalotter (le crâne bien sûr !).
Une fois là, rien n’empêche de faire un saut à Cody pour
visiter le « Buffalo Bill Historical Center ». Il paraît
que la ville ne manque pas de charme non plus. En ce qui me
concerne, le temps m’a manqué mais ce n’est que partie remise.
Quelle qu’en soient vos
projets, je ne peux que vous conseiller de vous informer à
l’avance pour connaître l’état des rivières et éventuellement
procéder à des réservations de date ou de guides de pêche munis
d’embarcations. Pour cela je vous donne deux adresses situées
à Livingston : Dan Bailey’s Fly Shop : info@dan-bailey.com
, www.dan-bailey.com et
International Fly-Fishing Center : iffceducation@fedflyfishers.org
Une fois n’est pas
coutume, je vais vous raconter une belle histoire. Je la tire
d’un livre de Mike Crockett et Grand McClintock (photos) préfacé
par Jack Hemingway : « Flywater », Lyons &
Burford, 1994.
Mike raconte dans
l’introduction l’apport que lui a donné la pêche à la
mouche qu’il pratique dans la région qui nous intéresse. A passé
trente-cinq ans, la vie lui souriait : « les affaires
prospéraient, j’avais une belle femme, deux grands enfants et un
en route, une maison de vacance en montagne, des amis formidables,
juste tout ce que j’ai toujours voulu et encore plus que j’en
attendais. » Mais voilà que la même semaine que naissait sa
fille, son médecin lui annonçait un cancer mortel. Cela se passait
huit ans avant la parution du livre.
Suivant les conseils de
son médecin, il mit ses affaires en ordre et un terme aux activités
qu’il faisait par habitude sans y trouver le même plaisir
d’antan. Par contre, il débuta la pêche à la mouche renouant
ainsi avec ses souvenirs d’enfance. Alors qu’il subissait une
demi-douzaine de chimiothérapies et plusieurs opérations
chirurgicales, il constatait que la pêche lui permettait de s’évader
de ses angoisses quotidiennes et d’oublier momentanément les
effets secondaires liés aux traitements (douleurs, nausées, …).
Comme ces traitements ne
vinrent pas à bout de son cancer et qu’il développa une résistance
aux médicaments, il lui resta une dernière chance avec un
traitement d’anticorps monoclonaux spécifiquement préparés pour
lui pendant les trois années précédentes au Centre Médical
Universitaire de Standford. Malheureusement, cette préparation
d’anticorps ne réagissait plus avec ses cellules cancéreuses de
sorte que ce traitement de la dernière chance fut interrompu.
Il décida alors avec sa
femme de passer ses derniers mois à faire que de la pêche à la
mouche. Et le miracle se produisit car après deux mois de pratique
de cette activité, il allait mieux et suivant les encouragements de
son médecin, il ne cessa de pêcher depuis lors. De là à affirmer
que la pêche est un traitement anti-cancéreux, il y a évidemment
un pas que l’auteur se garde bien de faire. Par contre, il dit
ceci : « la pêche à la mouche, plus que toute autre
activité, a libéré mon esprit et nourri mon âme. Et je sais que
le temps passé à la rivière m’a souvent procuré un profond
sentiment de bien-être – ce sentiment d’être enraciné dans le
présent sans aucuns besoins et soucis pour le futur. »
(La traduction est de ma responsabilité.)
Conclusion :
Il est difficile de faire
un bilan d’un circuit où se mêle tant de surprises et de découvertes
variées. Si je me concentre sur l’aspect de la pêche, il est évident
que la sécheresse a considérablement diminué la qualité
halieutique des rivières mais ce désagrément a été largement
compensé par la beauté des paysages et un beau temps presque indéfectible.
Ce circuit m’a permis de
renouer avec de bons souvenirs comme ce fut le cas dans le parc Yellowstone. Le plus important reste cependant la
découverte de
nouvelles rivières, la collection d’adresses de magasins de pêche,
de guides et de motels qui me permettront
de bien préparer un prochain voyage.
Je me suis aussi rendu
compte de l’importance d’avoir une embarcation pour descendre un
cours d’eau et pêcher les meilleurs endroits se situant parfois
dans des propriétés privées ou tout simplement inaccessibles à
pieds.
Quand on connaît le coût
d’un voyage de pêche et de la location d’une voiture, on
comprend l’importance de connaître le réseau hydrographique
d’une région et ses subtilités pour pouvoir s’adapter immédiatement
à toute modification des rivières liées à des crues, la sécheresse,
la pollution ou tout bêtement à une surfréquentation d’un coin
comme c’est hélas trop souvent le cas pendant la saison estivale.
En analysant ce circuit,
je me rends compte que j’ai découvert deux « valeurs sûres »
avec la Missouri et la Yellowstone qui mériteraient d’être pêchées
de manière plus extensive en flotteur. La Big Horn est probablement
à mettre dans ce lot mais je n’ai pas eu le temps de la voir.
Il m’apparaît aussi que
cette région entre West Yellowstone, Butte et Livingston en
incluant le parc Yellowstone est véritablement le triangle
d’or de la pêche à la mouche en
raison de la diversité des rivières qui y coulent et leur proximité.
Il est vrai qu’elles souffrent d’une trop forte affluence de
touristes en été à mon goût.
J’ai aussi entendu
parler de la rivière Smith au sud de Great Falls qui a
l’avantage d’être peu accessible en voiture et se pêcher
principalement en rafting sur cinq jours. Son cours traverse un défilé
de falaises paraît-il de toute beauté. Des rafts organisés
existent pour les pêcheurs. Il y a de fortes chances que j’expérimente
cela une fois.
La pêche, c’est bien, même
très bien, mais vous ne saurez pas surpris si je prêche cependant
pour la polyvalence des activités. Je suis convaincu à ce
jour que le succès de mon tour est aussi dû à mon intérêt pour l’histoire
des Indiens d’Amérique du Nord ainsi que pour le passé
géologique et biologique de ces lieux. Nul doute qu’un jour
vous me verrez à quatre pattes dans un camp de paléontologie à
brosser les restes fossilisés d’un dinosaure !
Si la culture américaine
ne possède pas de vieilles pierres à offrir aux touristes comme
dans le bassin Méditerranéen où dans les Andes, il n’en reste
pas moins que je suis fasciné par la culture amérindienne qui
mériterait que nous y réfléchissions un peu plus. Il n’est pas
dans mes habitudes d’aller jouer au touriste dans une réserve,
mais il reste encore beaucoup de musées et de livres sur ce sujet
et les Indiens d’Amérique du Nord revendiquent maintenant
ouvertement leur droit à la différence à l’occasion de
manifestations annuelles publiques.
Restent les Américains
eux-mêmes. Ma foi, j’ai eu peut-être la dent dure contre eux. Il
y a de quoi quand on sait comment on y mange. Mais qu’on ne s’y
trompe pas, mes critiques se portent surtout sur leur histoire et
leur mode de vie actuelle et non sur les personnes rencontrées. En
effet, ces dernières provenant de tous milieux sociaux m’ont plutôt
surpris en bien par leurs auto-critiques de leur société et étaient
d’un contact fort agréable et aidant. J’ai été très
impressionné par leur élan de solidarité envers les victimes des
attentats terroristes et leur sens du patriotisme. Je ne suis pas sûr
que nous aurions réagi aussi vivement en Suisse suite à des actes
terroristes d’une telle ampleur. Je n’ai eu à déplorer aucune
mésaventure dans mes rencontres, que cela soit ici ou dans le reste
de l’Amérique du Nord (Alaska et Canada inclus), pas plus que
dans tout mon voyage d’ailleurs.
Amis lecteurs, j’espère
surtout vous avoir divertis et dépaysés le temps d’une lecture et
que ses tableaux de transposition jouant à saute-mouton entre ères
géologiques ne vous a pas donné le vertige.
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