Introduction
Réflexion au
sujet du voyage en solitaire
Arrivée à
Tahiti
Retrouvaille
avec mes amis
Visite de Moorea
Croisière aux
Tuamotu
Des requins
plein la vue
Et encore des
requins
Sa majesté, le
requin tigre
Ambiance sur le
bateau
Rencontre avec
les dauphins
Les diamants de
la mer
Visite de
Rangiroa

Introduction :
Ma mère m’avait
dit un jour : « je pense que tu vas vivre la plus belle partie de
ton voyage en Polynésie française. » Elle avait deviné juste
car j’ai trouvé dans ces lieux la plupart des ingrédients qui font
de cette étape probablement une des plus réussies de mon voyage à ce
jour.
Comme lors de mon
premier voyage en 1991, je me rappelle avoir apprécier de pouvoir enfin
parler français après des mois d’efforts pour me faire
comprendre en anglais. Ainsi nous pouvions échanger les plus fins
détails de nos émotions, participer aux plaisanteries et je ne me
sentais pas mis à l’écart.
Il y a dix ans, je
n’avais eu le temps que de faire le tour de Tahiti et visiter Papeete.
C’était déjà bien pour se refaire une petite diète de cuisine française à mi-chemin entre l’Asie du sud-est et l’Amérique
du sud, et admirer les jeux de luminosité entre mer et pics
montagneux. Cependant j’y
avais laissé suffisamment de rêves en suspens pour que l’envie me
prenne d’y retourner plus longtemps. (Vous trouverez les photos de ce
premier voyage à la page « photos »).
C’est ainsi que
cette fois j’ai décidé d’y séjourner un mois et de visiter trois
de ces cinq archipels : l’archipel de la Société, l’archipel
de Tuamotu et l’archipel des Marquises laissant les îles australes et
les îles Gambier pour une prochaine fois. Ce choix a été motivé par
la diversité culturelle et géologique de ces archipels et
comme ces îles sont petites et rapprochées au sein d’un atoll, le
plus judicieux était de les découvrir en bateaux ce qui justifie les deux
croisières aux Tuamotu et aux îles sous-le-vent. (Vous trouverez
les détails géographiques et historiques dans « infos
pays » et des explications concernant certains termes dans
« infos divers »).
Au-delà de la
découverte de nouveaux sites et de nouvelles cultures, un des
principales objectifs étaient naturellement la plongée sous-marine,
et certains lieux, comme les passes de Rangiroa par exemple, sont de
renommée mondiale pour la rencontre de grand rassemblement de requins.
Par ailleurs, c’est aussi l’occasion de faire des rencontres avec
des espèces peu fréquentes comme le requin citron et le requin
pointe blanche des récifs (C. albimarginatus) et parfois du requin
marteau. Dans l’un comme dans l’autre, la rencontre avec ces
espèces furent un succès.
Subsidiairement, la
pêche à la traîne en mer a été prometteuse et nous a donné
autant d’émotions à la capture que dans nos assiettes.
Finalement, cette
partie du voyage a été rehaussée de la présence de mes amis français,
la famille Amiel, avec lesquels nous avons fait la croisière en
Birmanie de novembre dernier (pour mémoire, se reporter à la première
étape « Asie »).
Réflexion au
sujet du voyage en solitaire :
Avant d’entamer
la suite de mon journal, je tiens ici à dire deux mots au sujet de ma
soi-disante solitude en voyage.
Beaucoup d’entre
vous se sont étonnés, voir se sont souciés de me savoir seul. Il y a
des avantages et des désavantages.
Les avantages
d’un voyage à deux ou plus sont naturellement de pouvoir échanger
les impressions, partager directement les émotions du moment et en
garder une mémoire commune, mais aussi de pouvoir se partager les
tâches. Comme j’aimerai que quelqu’un me garde mes affaires à l’aéroport
quand je vais aux WC ou m’écrive mes cartes postales voir mon journal
pendant que je vais à la pêche !
De plus, il est naturellement intéressant de pouvoir se partager
le coût de la location d’un véhicule, d’une chambre d’hôtel ou
d’un guide.
Ces avantages sont
contrebalancés par de nombreux désavantages : nécessité
d’arriver à un consensus dans les décisions, d’aller au même
rythme que les (l’) autre(s), diminution de la facilité et de l’intensité
relationnelle avec les gens de rencontre et les guides. Fragilité du
programme de voyage dépendant de la santé de plus d’une personne. Je
ne parle même pas des sempiternelles disputes et sautes d’humeur qui
ne manquent jamais de survenir quand on est continuellement dans des
conditions de stress et d’adaptation. Assurément, c’est un grand
test de la solidité d’un couple ou d’un groupe.
Ces quelques points
énumérés ci-dessus sont autant d’avantages du voyage en solitaire
et sont d’importances pour moi qui aime la liberté de faire
ce qui me plaît à mon rythme et qui, peut-être en partie du
fait de ma profession de médecin, à toujours eu la chance de vivre une interaction
intense avec les gens de rencontre et les guides (j’y reviendrai
dans mon prochain journal d’Équateur). Par ailleurs, mon voyage est
ainsi conçu que je reste rarement plus d’un mois seul avant de
retrouver des amis ou être avec un guide de sorte que je ne parlerai
pas tant d’un voyage en solitaire mais plutôt d’un voyage en indépendant.
Et puis, je vous le demande, combien de gens auraient été
prêt à se lancer dans une pareille aventure tant temporelle que
financière … pour pêcher et pratiquer la plongée sous-marine ?
Cela dit, je ne me
sens jamais très seul car je pense fréquemment
à vous. Très souvent, je me fais de petites phrases mentales en
pensant à mon journal, pense à certains d’entre vous selon les
évènements du moment, et à tout le monde quand je rédige mon
journal. Savez-vous que la réalisation du
journal pour un pays, remaniement et mise en place des photos comprises,
me prend au minimum une soixantaine d’heures (une semaine et demi de
travail) ? Que j’envoie environ quatre-vingt cartes postales tous
les trois mois, sans parler des e-mails ? Que je trouve encore le
temps de lire quelques livres pour donner de la consistance à mon
voyage et mes récits ? Et quand est-ce que je trouve tout ce
temps ? Mais la nuit, pardi! Quelque fois toute la nuit !
Alors vous voyez, même si mon journal à du retard, je n’ai vraiment
pas l’occasion de vous oublier ni de m’ennuyer.
Il me semble qu’à
la fin du voyage, des vacances seraient bien méritées, non ?
Arrivée à
Tahiti :
Je suis arrivé à
Tahiti à minuit passée le 29 mars, après une escale à Rarotonga
(Iles Cook), et j’ai eu l’agréable surprise de lire mon nom sur un
panneau de bien-venue : j’étais attendu. Avec septante-six kilos
de bagages, j’apprécie tout particulièrement de ne pas avoir à
courir après un taxi. L’accueil mérite par ailleurs d’être
narrée puisque que vous êtes reçu avec un collier de fleurs odorantes
de frangipanier qu’une charmante hôtesse vous passe autour du cou. Le
passage de la ligne de changement de date m’a par contre joué un tour
puisque je n’avais pas de réservation à l’hôtel pour cette nuit
là, mais la suivante. Les détails concernant ce phénomène ont déjà
fait l’objet d’un paragraphe du journal de Samoa – Fidji. Par
chance, il restait tout de même une chambre de libre au dernier étage,
ce qui m’a valu une superbe vue sur le port au petit matin.
J’ai profité de
mon temps avant l’arrivée de mes amis français pour revisiter
Papeete et faire un tour de l’île avec une voiture de
location.
Je n’ai pas
trouvé que la capitale, Papeete - dont le nom signifie « cruche
à eau » en tahitien - ait particulièrement changé. Elle
mélange le charme d’une ville du midi de la France avec une touche
bienvenue d’exotisme. Le boulevard Pomare longeant la mer au centre
ville accueille les magasins les plus chics avec des bijouteries
exposant des parures mettant en valeur de somptueuses perles noires.
Toujours aussi bruyante et vivante au centre, elle s’est surtout
agrandie en périphérie. Elle est surtout restée très chère, m’obligeant
à changer d’hôtel au deuxième jour pour une pension ex-centrée me
coûtant une cinquantaine de francs suisses pour une petite cellule sans
confort ! Vivement de partir en croisière car au moins là tout
était déjà payé à l’avance et j’espérai trouver un peu plus d’authenticité
Polynésienne. Par contre, j’ai pu visiter le nouveau musée de la Perle
donnant des explications sur sa formation naturelle, son histoire, ses
rapports avec le monde occidental et sa culture de nos jours. Le soir, j’ai
pris un bain de foule sur le quai ou se situe les fameuses roulottes
servant des plats variés.
Le jour suivant, j’ai
été bien heureux de pouvoir m’évader de cette foule pour faire le
tour de l’île. Comme je savais que je le referai très probablement
avec mes amis, je ne me suis pas pressé et j’ai entamé le tour dans
le sens inverse de ce qui est habituellement conseillé.
J’ai visité longuement le très instructif musée de Tahiti
et de ses îles avec une exposition de photos du comte
Festetics de Tolna de la fin du siècle dernier - dont vous avez
certaines photos à la page photo de Samoa – Fidji - et de
Lemasson qui photographia une Tahiti du début du siècle plus
authentique que celle de nos jours.
Quelques
kilomètres plus loin, je me suis encore arrêté au lagoonarium
où tournoyaient misérablement quelques requins pointes noires des
récifs et dans un enclos séparé différentes espèces de carangues
dont certaines vraiment de taille impressionnante. Vivement de voir tout
ce petit monde dans leur environnement naturel.
Après une courte
pause dans une délicieuse pâtisserie des environs, j’ai continué
mon chemin jusqu’au Marae Arahurahu, un des Marae le mieux
conservé de cette île mais pas le plus grand connu. Au pied de ce lieu
de culte situé entre une étroite vallée et la mer et étrangement
baigné de lumière, je me suis pris à penser à ce que les premiers
navigateurs ont pu apercevoir. Le capitaine Cook, aurait été témoin d’un
rituel de sacrifice humain.
Finalement, je me
suis arrêté au musée Gauguin, visité dix ans auparavant et
inchangé depuis. Ce n’est pas tant pour les reproductions de ces
peintures que ce lieu me touche que l’histoire de vie de Gauguin, qui
pour l’amour de la lumière et des couleurs a tout sacrifié dans sa
vie alors qu’il aurait pu avoir une vie beaucoup plus tranquille …
et combien plus ennuyeuse certainement. Comme Loti, ils furent le
témoin de la fin d’une culture avec le décès de la reine Pomare IV
(1877) et de son fils Pomare V. J’envie un peu ses
artistes-aventuriers qui ont encore pu voir et transcrire dans leurs
œuvres des cultures si différentes et encore authentiques. Je ne peux
que vous conseiller de lire « Noa-Noa » et « avant et
après » de Gauguin. Pauvre de nous qui sommes de plus en plus
confronté à la culture fast-food américaine qui tend à envahir
le monde entier!
C’est avec ces
nostalgiques pensées que je me suis rendu à Tautira sur la presqu’île
de Tairapu où du haut d’un pont, j’ai regardé une grosse
anguille remonter la rivière dans une vallée profonde comme coupée à
la hache, sous les rires inconscients de jeunes profitant des derniers
rayons de soleil.
Retrouvaille
avec mes amis :
Comme c'est le cas
avec la plupart des vols internationaux, mes amis sont arrivés à l’aéroport
de Faaa vers les six heures du matin. Craignant de manquer mon réveil,
j’avais travaillé toute la nuit à mon journal et j’avais donc les
traits tirés quand je leur ai passé le deuxième collier de fleurs à
leur cou, la première l’ayant été par leur cousin Michel
travaillant à Tahiti depuis peu. Eh bien! Malgré plus de
vingt-quatre heures d’avion, ils étaient tout frais et dispos, ayant
déjà réfléchi à l’opportunité de changer des billets d’avion -
ce qui fut fait de suite – et organiser avec Michel un tour de l’île
dès le matin même. Ce fut un gros stress pour moi qui comptais sur une
matinée tranquille pour me remettre d’une nuit blanche.
Par contre, je dois
avouer que j’ai vraiment apprécié les explications de Michel et d’être
véhiculé lors de ce second tour de l’île dans le sens inverse de la
veille. En effet, la circulation est très dense sur la petite route
encerclant l’île et nous avons observé à quelques reprises des
attroupements sur les lieux d’accidents. La journée s’annonçait
ensoleillée mais sous les tropiques, le temps peu varier très vite,
surtout au mois d’avril qui succède à la saison des pluies.
Je fus heureux d’entendre
que Michel appréciait aussi le petit village de Tautira
où nous n’avons pas manqué d’y prendre un bain fort plaisant à l’embouchure
d’une petite rivière coupant la plage de sable noire. Quel plaisir de
voir s’ébattre les enfants et moins jeunes dans un tel décor ! Alors
que j’allais prendre un peu de repos sous un cocotier, un tahitien me
met en garde sur le risque de recevoir une noix de coco sur la tête
étant donné la légère brise.
Nous nous sommes
ensuite rendus sur le plateau de Taravao, toujours sur la presqu’île
de Taiarapu, où d’une altitude de six cents mètres, nous avons
bénéficié d’une vue panoramique sur Tahiti, malheureusement un peu
cachée dans les nuages.
Nous étions surpris de constater le changement de végétation
sur une si faible dénivellation et de découvrir un troupeau de vaches.
On se serait cru en France !
Le jardin
botanique était magnifique avec tous les feux de ses fleurs
dehors. Deux tortues des îles Galápagos folâtraient dans leur enclos
pendant que nous étions en admiration devant un gigantesque banian
ficus, arbre sacré à l’époque de la civilisation polynésienne.
Plus qu’un long texte, les photos seront plus parlantes.
Nous avons terminé
ce tour de l’île avec une nouvelle visite du musée Tahiti et des
îles.
Visite de Moorea :
Le fils de mes
amis, Philippe, nous a rejoint pour la croisière aux Tuamotu et
notre visite de Nuku Hiva aux Marquises. Pour mémoire, je vous rappelle
qu’il avait déjà participé à la croisière en Birmanie. C’est un
plongeur confirmé ayant passé les examens pour être instructeur de
plongée. Avec la famille réunie, mais sans Michel retenu par ses
obligations professionnelles, nous avons visité le 1er
avril la petite île adjacente à Tahiti, Moorea, petite perle de la
Polynésie française avec ses plages de sables blancs et ses hauts
sommets aux pentes abruptes. C’était un jour de week-end et beaucoup
de tahitiens s’y sont rendus pour profiter du calme et des blondes
plages, absentes de Tahiti. Il y avait donc la cohue ce jour là mais
rien n’aurait pu nous empêcher de faire trempettes à plusieurs
reprises lors de ce tour de l’île en voiture. Nous avons admiré le
paysage depuis le Belvédère,
au pied du Mt Tohiea s’élevant à 1207 mètres. Devant nous s’exprimaient
toute la majesté des trois autres pics d’environ 800 mètres - Mt
Matotea, Mt Rotui et Mt Tearai – séparé les uns des autres par de
profondes baies où sont vennus s’encrer de luxueux paquebots, les
mêmes que nous avions aperçu amarré au quai de Papeete.
Allez, faite comme nous, arrêtez-vous un instant pour
agrandir les photos en cliquant dessus et laissez –vous aller à la
rêverie qu’offre un tel paysage.
Après un
délicieux repas à base de filet de poisson mariné dans du citron et
du lait de coco à défaut de crêpes pourtant proposé sur la carte,
nous sommes finalement rentré à Tahiti où nous avons encore mangé de
l’agneau rôti dans une
des roulottes du quai.
Croisière aux
Tuamotu :
Après cette petite
mise en bouche par la visite de Tahiti et de Moorea, commencèrent les
choses sérieuses du voyage avec la croisière aux Tuamotu. D’une
durée de douze jours, nous partions rejoindre Rangiroa depuis Fakarava
après la traversée des lagunes de Toau et d’Apataki.
Entre croisière et plongées dans les passes, nous avons aussi visité
quelques îles et mangé chez l’habitant.
Le départ ne fut
cependant pas simple car malgré tous nos efforts pour sélectionner l’essentiel
et laissé le reste de nos bagages à l’hôtel à Papeete, nous avions
un léger excédent de poids - quelques kilos - qu’il nous a fallu
payer.
L’arrivée au
simple aéroport de Fakarava fut aussi particulière car il y eut une
confusion dans les groupes de croisière et nous avions reçu des
colliers de fleurs qui ne nous étaient pas destiné. Notre groupe
oublié à l’aéroport eu cependant la chance d’avoir un catamaran
avec un mat tandis que le groupe réceptionné avec des colliers de
fleurs n’en avait pas. Cela doit être terrible d’arriver la tête
pleine de rêves après une trentaine d’heures de route pour se
retrouver coincé à quai, la croisière gâchée,
pendant que l’autre groupe s’en va voguer sur la mer, toutes
voiles dehors. Nous n’avons pas manqué d’avoir une pensée
empathique pour les infortunés d’à côté pendant que nous
trinquions avec l’équipage avec un punch « le planteur ».

Notre bateau s’appelait
le Nemo et son capitaine Bruno. Virginie
était notre hôtesse, Alain, le cuisinier, René et Isabelle
les moniteurs de plongées. Ils sont tous de nationalité française.
Les coordonnées informatiques sont les suivantes : www.vpm.fr
et l’e-mail : vpm@vpm.fr. Les
autres participants s’appelaient Tan, un médecin travaillant
dans un service privé d’urgence à Paris, et le couple Christian
et Nicole, aussi français. Nous n’étions ainsi que sept
participants sur un bateau pouvant en contenir le double ! Il y
avait donc de la place et Philippe et moi-même avons ainsi bénéficié
d’une cabine séparée, ce qui n’était pas en soi un luxe si l’on
tient compte de ma taille et de l’exiguïté des cabines.
Dès le début
régna une très bonne ambiance, tant avec l’équipage qu’avec Tan,
Nicole et Christian. Bien sûr que le cadre féerique, un climat
ensoleillé et chaud, des plongées palpitantes ont aidé à cette bonne
ambiance mais cela n’expliquent pas tout. Je pense que l’unicité de
la langue utilisée, un groupe de moins de dix personnes et la qualité
du service sur le bateau y sont pour beaucoup dans le succès de cette
croisière.
Tous les matins j’étais
réveillé par le parfum Shahmar de Guerlain de Virginie qu’apportait
une fine brise marine jusque dans l’antre de ma cabine. Puis plus
tard, Christine venait me sortir de mon lit avec une petite bise
maternelle comme elle le faisait à son fils. Le petit déjeuné m’attendait
déjà sur la table à l’arrière du bateau et vous vous dites que la
journée commence décidément vraiment bien ! Nulle contrariété
familiale ou professionnelle pour vous gâcher ce sublime instant, nul
téléphone stressant pour vous donner la nausée, juste l’horizon
dégagé de la mer miroitant un soleil déjà haut dans un ciel
décidément bleu et la perspective d’affriolantes plongées. Alors
oui, je me disais que ce jour là méritait bien d’être vécu et
savouré.
De fait, dès le
petit déjeuné avalé, nous nous préparions pour la première plongée
puis sautions dans le zodiac qui nous amenait sur le lieu de plongée.
Pour des questions de sécurité, nous ne plongions dans les passes que
si nous bénéficions de courant rentrant (dans le lagon) car la mer y
est peu profonde contrairement au versant externe du lagon et nous ne
risquions pas d’être entraînés dans les profondeurs par des
courants parfois violents,. Sinon, nous restions en bordure des passes
à l’extérieur du lagon. Souvent, nous devions franchir le
« mas carré », une forte houle dans la passe en rapport au
fort courant entrant ou sortant.
Des requins
plein la vue :
La raison
principale des plongées dans cet archipel est liée à la forte
concentration de requins gris que l’on peut croiser
parfois par centaines dans les passes. Ils attendent là que la
nourriture arrive à leur portée pour le happer. Nous avons eu la
chance d’apercevoir ce spectacle à plusieurs reprises et vous pouvez
en admirer les photos ci-jointes. Il faut savoir que l’observation d’un
requin en plongée reste toujours un sujet d’exaltation pour un
plongeur, ceci en raison de la taille de ces poissons, de leur beauté
et de leur grâce dans leur nage, sans oublier le risque potentiel,
faible mais réel, d’être leur repas.
C’est ainsi que
nous avons vécu une palpitante plongée dans une passe d’Apataki.
La passe était étroite et le courant très fort. Sur
les bords, à une dizaine de mètres sous l’eau, des
excavations latérales étaient creusées par le courant et nous avons
délogé des requins de cet endroit en nous y réfugiant du courant.
Puis nous avons palmé au fond de la passe dans un décor extraordinaire
de grosses roches polies par le courant formant comme de grosses
marmites dont le fond était tapissé de requins gris. Eux aussi
profitaient des moindres aspérités du relief leur offrant un
contre-courant reposant. Eh bien, sans gêne, nous les en avons encore
délogés pour prendre leur place. Ils n’ont fait qu’un petit tour
avant de reprendre leur position, se rapprochant parfois jusqu’à un
mètre de nous. Décidément, la mer a beau être grande mais à cet
endroit, la place valait sûrement très cher. A un moment donné,
guignant autour de moi au risque d’avoir mon masque arraché par le
courant, j’ai constaté que j’étais environné de requins gris d’environ
un mètre et demi à deux mètres. J’en avais de tous les côtés : à
gauche, à droite, derrière, devant et au-dessus de moi, me lorgnant de
leurs petits yeux et là … j’étais vraiment bien !!!
Oh, les avis n’étaient
pas partagés mais en ce qui me concerne, j’appréciais vraiment d’être
sur un terrain d’égalité avec les requins. Bien sûr qu’il
existait un petit risque, mais je trouve bon, voire nécessaire, d’avoir
une peur raisonnée de certains animaux. Non pas pour savourer
narcissiquement l’exploit de les affronter mais parce que cela nous
replace dans l’équilibre biologique de la nature.
En effet, je
peine à la pensée de l’éloignement que nous avons pris par rapport
à la mère nature. J'ai foi en la Vie et je pense que l’équilibre
naturel est ce qui régit l’ordre sur notre planète. Notre
vulnérabilité physique par rapport aux autres animaux aurait favorisé
une adaptation avec augmentation de nos capacités intellectuelles. A
mon avis, cela constitue une sorte de bizarrerie évolutive. Par la
suite, l’être humain s’est doté de diverses croyances le mettant
souvent à part du reste du monde animal (par exemple, la religion chrétienne met l’homme l’image de
Dieu). Grossière erreur, dis-je. Je pense que l’espèce humaine vit
une disharmonie évolutive brisant l’équilibre naturel. A long terme,
il ne me paraît pas vraisemblable qu’une espèce s’épanouisse au
détriment de toutes les autres. A terme, elle doit soit s'harmoniser
avec son écosystème ou soit disparaître.
Le temps que vous
lisiez ces lignes, je constatais sur mon manomètre révélait une
dramatique baisse de pression d’air dans ma bouteille. Or mes amis
étaient fort occupés à contempler les requins et ne semblaient pas du
tout pressé de repartir dans le courant. Et moi, je n’avais pas du tout
envie de me laisser dériver seul dans la passe pour me retrouver non
moins seul dans l’immensité du lagon environné d’une dizaine de
requins. Cela est déjà arrivé à certains plongeurs et l’issue de l’aventure
fut quelque fois fatale. Heureusement, mes amis se sont finalement
décidés à décrocher de leur bout de rocher et j’ai pu finir ma
plongée sur le détendeur de la monitrice en bonne compagnie.
Pour se remettre de
ces émotions, nous avons eu droit à un repas de langoustes chez des
perliculteurs de Toau. A
cette occasion, nous avons discuté des aléas de la perliculture, dont
le savoir-faire est en grande partie détenue par les Japonais, en
particulier l'implant de la greffe.

Et encore des
requins :
Les requins gris, c’est
bien. Les requins à pointe blanche du récif, c’est mieux. Or
cette espèce-là est rarement aperçue par les plongeurs et les Tuamotu
constituent un des lieux où l’on peut être sûr de les rencontrer. C’est
ainsi que nous leur avons rendu visite sur le versant externe d’un
récif corallien de Rangiroa. D’une nature curieuse, ils viennent
tourner autour de nous, quelque fois à moins de deux mètres, ondulant
leurs trois mètres de grâce et de puissance.
Avec eux, nous
avons eu des montées d’adrénaline le jour où nous avons plongé
dans le grand bleu - c’est-à-dire sans repère visuel à trente
mètres sous l'eau – et que nous les avons vus remonter des abysses
sous nos palmes. Sans aucune possibilité de se protéger dans le récif
corallien, l’effet de surprise est garanti avec des requins trapus de
cette taille.
Et si l’envie
leur était venu de nous grignoter ? Je pense que tout plongeur
doit accepter l’idée de se faire manger car, après tout, nous ne
sommes pas chez nous. Je me sens toujours comme un invité quand je m’immerge
dans cet élément qui n’est pas le mien. L’avantage de la plongée,
c’est de pouvoir admirer de près une grande quantité d’espèces n’ayant
pas (encore) appris à nous craindre, et de vivre cette aventure avec
une extraordinaire sensation d’apesanteur. Rien de tel pour oublier
soucis et tracas du « monde d’au-dessus ». Il m'est même
arrivé d'éprouver de la difficulté à me rappeler une musique ou un
souvenir quand j'étais sous l’eau.
Sa majesté, le
requin tigre :
Dans le même ordre
d’idée, il nous est arrivé une sérieuse aventure totalement
inattendue. Alors que nous longions un tombant à plus de vingt mètres
de profondeur, Isabelle remarqua une grosse forme remontant le long du
récif depuis le fond. Elle pensa d’abord qu’il s’agissait d’une
raie manta, comme nous en avions souvent observé les jours
précédents. La forme se dessina plus précisément au fur et à mesure
qu’elle se rapprochait et les gracieuses « ailes » de la
manta se révélèrent être les nageoires pectorales d’un requin. Sa majesté, le requin
tigre venait de faire son entrée dans notre champ visuel. Tel un
bombardier, il nous domina de toute sa taille, les rayures bien visible
sur son flan. Assurément, avec ses plus de quatre mètres, il est le
plus grand requin que notre groupe n'ait jamais rencontré.
Connu pour être
"l’éboueur" des mers chaudes, il peut réellement devenir
dangereux de sorte qu’il n’ait pas vraiment apprécié et recherché
par les plongeurs. Il s’agit la plupart du temps de rencontre
fortuite. Cette fois-ci, il se contenta de faire volte face à notre
hauteur et de poursuivre son chemin devant nous. Isabelle, qui en voyait
un pour la première fois, fut tellement surprise qu’elle ne filma que
son départ. Jusqu’à la fin de la plongée, nous avons regardé de
gauche et de droite à l’affût d’un possible retour de ce
redoutable prédateur.
Je me permets de préciser
ici que les photos sous-marines ci-jointes ont été tirées du film vidéo
fait par Isabelle. Toutes les photos se rapportent donc bien à notre
croisière.
Ambiance sur le bateau :
Une croisière en
bateau n’est heureusement pas constituée que d’activités
aquatiques. J’en ai aussi
profité pour tremper mes rapalas (poisson nageurs en bois que l’on
utilise à la pêche à la traîne) et je dois dire que nous avons été
gâtés par la mer puisque nous avons pris une dorade coryphène, une
bonite et un thon de trente-cinq kilos. Chaque prise a suscité beaucoup
d’émotions, surtout pour moi à qui cela me rappelait mon instinct de
pêcheur.
Le meilleur était
encore à venir car nous avons eu la chance d’avoir un cuisinier
hors paire en la personne de Alain qui a su nous
apprêter des plats variés et succulents, tirant profit de nos prises
et des épices de Polynésie française. Que dire d’un carpaccio de
bonite fraîche, d’une dorade coryphène à la crème vanille, de
sushi de thon frais et j’en passe et des meilleures. En ce qui me
concerne, la nourriture constitue le vingt à vingt-cinq pour cent de
mon plaisir en voyage et cela où que je sois, alors je vous laisse
imaginer le plaisir que j’ai vécu sur le bateau, sachant que tous les
repas furent excellents et accompagnés de vins (ce qui est rarement le
cas en croisière plongée pour des raisons de sécurité) et de bons
fromages précédents les desserts. Heureux ceux qui croiseront Alain
car ils seront en bonne compagnie.
Je serais injuste
de ne pas mentionné le reste de l’équipage qui se sont donné
beaucoup de mal pour faire de cette croisière un vrai succès. Nous
avons tous apprécié le charme et la disponibilité de Virginie.
Bruno s’est donné beaucoup de peine pour naviguer à la voile
sur une bonne partie de la croisière, ce que j’ai rarement vu à
l'occasion d'autre croisière. Il ne faut pas sous-estimer le risque de
cette navigation quelquefois difficile en raison des récifs, des
caprices de la météo, du mas carré et j’en passe. Isabelle et René
ont mené les palanquées avec beaucoup d'expérience et de maîtrise
compte tenu des risques encourus, principalement par les courants. De
fait, nous leur sommes redevables de très belles plongées
agrémentées de nombreuses palpitantes rencontres.
Le succès d’une
croisière dépend aussi, et en grande partie, de ces participants. Nous
avons eu la chance de ne pas être trop nombreux et tous francophone.
Expérience faite, cela aide à créer une bonne ambiance de groupe. J’ai
beaucoup appris sur la défiscalisation et sur le travail de mon
confrère Tan qui pratique la médecine ambulatoire d’urgence dans une
entreprise privée à Paris. Nicole s’est familiarisée avec les
requins sous l’œil attentif de Christian. Entre deux conversations,
une petite sieste ou la lecture d’un bon livre étaient des activités
fortement prisées.
Rencontre avec
les dauphins :
Mais revenons un
peu à nos plongées. Je serai incomplet si je ne parlais que des
requins. Nous avons aussi vu à plusieurs reprises des raies mantas, des
barracudas et des tortues mais peu de raie pastenague. Par contre, fait
généralement rare, nous avons surpris à plusieurs reprises des
dauphins. Avec les requins, ce sont vraiment les animaux les plus
fascinants à observer. La première fois, nous en avons surpris deux en
train de dormir. Que de grâce dans leur forme et leurs mouvements !
Ceux que nous avons rencontrés étaient de la famille des grands
dauphins Tursiops.
Les autres
rencontres eurent lieu sur le versant externe des passes de Rangiroa où
ils chassent les poissons, raison pour laquelle les rencontres furent
furtives. Inutile d’essayer de palmer à leur rencontre.
Généralement, ce sont eux qui nous approchent par curiosité et nous
dévisagent avec leurs petits yeux câlins.
Amis
dauphins, nous vous avons tous aimés et souhaitons vous revoir
encore souvent.
Les
diamants de la mer :
Chaque
plongeurs affectionnent particulièrement un poisson. Pour certain,
ce sont les requins, pour d’autres les demoiselles … et bien
moi, je me suis distingué par mon goût prononcé pour le poisson
scorpion feuille. Petit et très difficile à distinguer dans
les coraux, il constitue quelquefois le clou d’une plongée. J’en
avais vu pour la première fois à Fidji de couleurs lie de vin,
blanc-rose et noirs. Aux Tuamotu, nous en avons découvert surtout
de couleurs jaune-vert avec des taches blanches.
Leur
grande particularité, après leur camouflage, c’est d’avoir des
yeux qui brillent des mille feux du diamant. Ils sont
absolument magnifiques et si petits. Je passe volontiers dix minutes
à me pâmer devant eux si le poisson scorpion feuille le veut bien.
En exclusivité et parce que c’est vous, j’en ai pris un dans ma
main gantée et je vous laisse tout loisir de l’examiner au zoom
de votre ordinateur.
Visite
de Rangiroa : La
fin de la croisière s'est terminée en apothéose avec une très
sympathique soirée sur le bateau. Le jour suivant, après les
adieux de circonstance et les promesse de se revoir ou de s'écrire
(et pour une fois, vive Internet), nous avons fais une petite
plongée d'adieu à tout "nos" amis les requins avec une
compagnie de plongée établie à Rangiroa. La particularité de
cette plongée était de pouvoir être filmé et d'acheter le film
enregistré de suite. Cela me permet de vous annoncer que comme pour
la croisière au Fidji et prochainement aux Galápagos, si vous le
souhaitez, vous pourrez voir "in live" ce que vous avez
entre-aperçu sur les photos de ce site . "Prochainement sur
votre écran" donc ! Ce
petit séjour dans les eaux des Tuamotu aurait été incomplet sans
faire le tour du village de Rangiroa. Oh, vous savez, on ne peut pas
se perdre sur ces bouts d'îles en croissant. Il suffit de suivre le
chemin jusqu'au terminus et de retourner par l'unique rue
parallèle. Ces deux "rues" à une voie sont raccordées
par des chemins transverses tout les trois cents mètres environ. Et
si l'envie vous prend, faite comme nous, arrêtez-vous dans une
gargote au bord de mer et faites-vous servir une crêpe en admirant
le couché du soleil. C'était
très calme ce jour-là, et pour cause puisque c'était le vendredi
Saint de Pâques. Bonne occasion pour admirer les beaux costumes en
suivant des yeux la sage procession autour de l'église. Le
dernier jour, j'ai laissé mes amis savourés une dernière baignade
sous un déluge, le même qui nous accompagna jusqu'à notre départ
pour les île Marquises.
|